Hélène Robert a fondé l’École française du cake design, au début de 2013, à Périgueux. Dans son laboratoire, elle enseigne ce long et minutieux art culinaire.
On pourrait les appeler « space cakes ». Non qu’ils contiennent des substances illicites ou hallucinogènes, mais parce que ces gâteaux-là, il faut bien le dire, ne sont pas ordinaires. On en a cependant tous vu au moins un dans notre vie, ne serait-ce que dans les scènes de mariage en grande pompe des comédies romantiques américaines. Dans ce cas-là, ce sont des « wedding cakes », la sous-catégorie la plus connue et la plus spectaculaire du cake design.
Ce domaine de la pâtisserie, également appelé « cake decorating », n’est toutefois pas né aux États-Unis mais bien en France. Cinq siècles après ses débuts, il reste encore confidentiel dans l’Hexagone. Peu de boulangeries-pâtisseries en proposent, et il n’existe que trois écoles qui forment à cette discipline, qui peut être considérée comme un art à part entière. L’une se trouve à Paris, l’autre en Bretagne et la troisième… en Dordogne.
L’École française du cake design a ouvert ses portes en janvier 2013 à Périgueux, à l’initiative d’Hélène Robert. Cette boulangère-pâtissière cosmopolite a roulé sa bosse avant de se lancer. Née en Belgique, élevée en Hollande et mariée avec un Français d’origine italienne, celle qui a suivi une formation en lettres et en langues a exercé des métiers aussi divers que secrétaire médicale et esthéticienne, avant de reprendre, après leur décès, la boulangerie-pâtisserie de ses beaux-parents, à Nice. « Je n’y connaissais rien. Alors, pour ne pas me faire rouler dans la farine, j’ai suivi une formation en pâtisserie au lycée professionnel Escoffier à Cagnes-sur-Mer. »
C’est en 1991, lorsque son fils part faire ses études aux États-Unis, qu’elle découvre le cake design. « Ça m’a plu, j’avais envie d’apprendre ; alors, l’année suivante, j’ai passé six semaines à la Wilton School of Cake Decorating and Confectionary Art, dans l’Illinois. » Un enseignement qu’elle s’empresse de mettre en pratique à son retour. « J’ai été une des premières en France à confectionner ce type de gâteaux. » Après neuf ans sur la Côte d’Azur et deux ans en Floride, la pâtissière revient en France. « J’ai toujours été attirée par le Sud-Ouest, et j’aimais bien Périgueux. J’ai donc débarqué avec ma valise et 2 000 euros en poche. »
La suite, les Périgourdins la connaissent. Hélène Robert loue la boutique du meunier Alain Mazeau (propriétaire du moulin de la Pauze, à Saint-Méard-de-Drône, et de la boulangerie Le Bon Croissant, à Périgueux) dans le quartier du Greffe de 2002 à 2008, avant de migrer rue Saint-Front jusqu’en décembre 2009, date à laquelle elle prend sa retraite. « Je me sentais inutile, alors j’ai fondé l’Association cake designers de France et pensé à créer une école spécialisée. » En 2010, Hélène Robert renoue avec sa passion pour ces gâteaux hors norme en s’immergeant six semaines chez Bonnie Gordon, à Toronto, au Canada. Elle ouvre sa propre école trois ans plus tard.
Ces pièces d’apparat restent exposées longtemps et ne doivent contenir aucune denrée périssable
Dans son académie du gâteau sculpté, Hélène Robert reçoit quatre élèves à la fois, pour une, trois ou six semaines. Des apprentis de tous âges (à partir de 18 ans), venus des quatre coins de la France mais aussi d’outre-mer. Des amoureux de la pâtisserie, qui viennent pour le loisir apprendre de nouvelles techniques et épater leurs amis à l’heure du goûter, y côtoient des professionnels qui souhaitent se perfectionner et des salariés qui envisagent un virage à 180 degrés avec une reconversion dans le commerce ou la restauration.
« Nos gâteaux sont essentiellement destinés à des événements festifs. C’est le côté spectaculaire, l’aspect visuel qui compte, explique Hélène Robert. Ces pièces d’apparat restent exposées longtemps et ne doivent donc contenir aucune denrée périssable. » Autrement dit, pas de chantilly, ni de crème pâtissière, exit le mascarpone, prohibés les mousses et bavarois. Pas d’imbibition d’alcool non plus, car l’humidité altérerait la conservation. Il faut un gâteau assez dense, pouvant être taillé sans s’émietter, supportant le poids de la pâte à sucre et des décors, et ayant une durée de vie assez longue pour permettre le travail d’ornement.
Alors, quels sont les ingrédients utilisés ? « Nous avons nos garnitures propres, et les options restent nombreuses : génoises, fruits secs ou cuits, crèmes aromatisées, confitures, pralinés, coulis, chocolats… Ce n’est pas de la pâtisserie fine, mais ce sont tout de même d’excellents gâteaux », vante Hélène Robert.
Ça, c’est pour les recettes. Quant aux formes, les moules de base sont classiques (ronds, carrés, rectangulaires), et c’est à l’aide d’une myriade de petits matériels (couteau-scie, lisseur…), mais aussi de ses doigts et de superpositions d’éléments en pâte à sucre colorée, que l’on donne à la sculpture son aspect final. « Il y a plein de techniques et de supports qui permettent de créer des choses assez folles. La seule limite, c’est l’imagination. »
Un article de Anaïs Arnal publié dans le journal Sud Ouest le jeudi 03 avril 2014