Plus élaboré que la tapa, le pintxo est partie intégrante de la cuisine populaire en Euskadi (Pays basque espagnol).
« Le pintxo, c’est la liberté ». Carlos Maribona, critique gastronomique au journal ABC à Madrid, donne la meilleure définition de ce concurrent de la tapa qui place la barre haute dans l’exécution technique et le goût. Le concept – il a été évoqué lors du concours organisé à Fontarabie, en Gipuzcoa, au mois d’octobre dernier – est précis : un pintxo, qu’il soit pris à la main et dégusté au comptoir ou assis à table avec couteau et fourchette (froid ou chaud), est composé au minimum de trois éléments. La tapa, elle, est plus ordinaire, plus traditionnelle, plus conservatrice (la tortilla, la portion d’omelette, en est le symbole). Cela ramène à l’origine et au verbe « tapar » (recouvrir) : historiquement la tapa est le morceau de pain déposé sur le verre de vin pour le protéger de la mouche qui rôde, puis, par contagion, devient l’amuse-bouche, la bouchée, généralement offerte.
Le lien entre la rue et le resto
Aujourd’hui, le pintxo de plus en plus élaboré, relève de la cuisine miniature et flirte avec l’excellence. Parce qu’il acclimate le foie gras, le caviar, la langouste, le homard, mais aussi la morue, l’anchois, le thon, le jambon, le boudin, le poivron, le piment, l’œuf etc. qu’il autorise tous les styles et toutes les présentations et est un formidable tremplin à l’audace, à l’innovation, à la créativité. Fringant, décomplexé, savoureux, le pintxo contemporain rivalise avec la gastronomie. Ce n’est pas un hasard si deux chefs étoilés du Pays basque français, Fabian Feldmann (l’Impertinent à Biarritz) et David Ibarboure (Briketenia à Guéthary), participaient au concours de Fontatabie. Ce n’est pas un hasard si les chefs importants de Gipuzcoa –Juan Mari et Elena Arzak, Pedro Subijana, Martin Berasategui et Andoni Luis Aduriz – ont inscrit le pintxo sur les cartes de leurs restaurants.
Impensable en France où la haute gastronomie est résolument élitiste et où les grandes tables s’apparentent à des ghettos dorés
La gastronomie basque est populaire, le pintxo est le lien, le cordon ombilical entre la rue (les bars) et le restaurant. Il y a échange entre les deux, ils ne s’ignorent pas, ils s’influencent. C’est impensable en France où la haute gastronomie est résolument élitiste et où les grandes tables s’apparentent à des ghettos dorés. A Saint-Sébastien, Zeruko, A Fuego Negro, Bergara, Borda Berri, La Cuchara de San Telmo… incarnent la modernité dans l’art de concevoir les pintxos et de les mettre en scène. Ils figurent dans la sélection de notre confrère Josema Azpeitia dont le livre-référence : « La Senda del pintxo » («la route des « pintxos ») vient d’être traduit en français (1).
« La meilleure façon de visiter la ville c’est d’aller d’un bar à un autre, de pintxo à pintxo, conseille Martin Berasategui, le chef triplement étoilé de Lasarte, qui a toujours gardé le contact avec la rue. Saint-Sébastien compte plus de 200 bars à pintxos et tapas, pour éviter le jeu de piste, ne pas se perdre, ne pas se tromper, franchir la bonne porte, l’ouvrage de Josema Azpeitia trace le chemin et donne le mode d’emploi.
(1) « La route des pintxos, 100 bars de Saint-Sébastien ». Ed. Zum edizioak, 20 €