Cela fait plusieurs semaines que « Notre poison quotidien » nourrit des débats passionnés sur Internet. Les projections en avant-première dans toute la France puis sur la chaîne Arte ont conforté cet intérêt. Auteur d’une enquête sur l’ogre Monsanto, Marie – Monique Robin , qui a notamment révélé comment la France avait aidé les dictatures sud-américaines à lutter contre « l’ennemi intérieur », a travaillé en profondeur sur trois types de produits : les pesticides, l’aspartame, le bisphénol A.
Mardi 26 avril, elle a répondu en direct aux questions des internautes du site Sudouest-gourmand.fr lors d’un Tchat dont nous vous livrons ci-dessous le compte-rendu intégral.
Sud Ouest Gourmand : Marie-Monique Robin vient d’arriver dans nos locaux. Merci à elle de participer à ce Tchat! Une première question : depuis la diffusion du documentaire sur Arte et la publication de l’ouvrage « Notre poison quotidien », quelles ont été les principales réactions? Y a-t-il eu de nouveaux témoignages depuis, ou des réactions de l’industrie phyto-sanitaire par exemple?
Marie-Monique Robin : L’enquête a eu beaucoup de répercussions dans la France en inspirant la Une de 4 hebdomadaires : L’Express, Telerama, le Nouvel Observateur et l’Usine Nouvelle. On peut dire que la thématique de la contamination chimique et de ses effets potentiels sur la santé humaine est sur la place publique. Les industriels dans Usine Nouvelle, se sont contentés de dire que mon enquête comportait des « imprécisions » sans préciser toutefois quelles étaient ces imprécisions… Du côté de l’industrie des pesticides, alors que jusqu’à une date récente elle niait l’existence d’un lien entre l’exposition aux pesticides et les cancers chez les agriculteurs, dans une rencontre au journal Libération avec Jean-Charles Bocquet, directeur de l’Union des industries de la protection des plantes, celui-ci a admis que ce lien existait et que c’était « regrettable ». En encourageant les agriculteurs à se protéger avec des combinaisons.
Nicole : Laver les fruits et légumes suffit-il à se protéger des pesticides
Marie-Monique Robin : C’est mieux que rien, mais il est préférable de consommer des fruits et légumes bio. Notamment pour les pommes qui subissent une quarantaine de traitements chimiques et où certains pesticides passent à travers la peau.
Fred33 : A titre personnel, êtes-vous dans une démarche bio ou décroissante?
Marie-Monique Robin : Depuis mon enquête sur Monsanto, j’ai changé ma manière de m’alimenter. J’essaie de consommer autant que possible des fruits et légumes bio achetés pour l’essentiel dans une Amap ou en m’approvisionnant directement auprès de producteurs, et j’évite tous les produits transformés de l’industrie agroalimentaire. Je pense aussi qu’il faut revoir notre mode de vie en sortant du modèle de la consommation de masse qui épuise nos ressources et pollue l’environnement.
Lilib47 : Bonjour, Je suis maman de deux filles et en « bonne » mère que j’essaie d’être j’ai acheté des biberons sans BPA . Mais quels sont les réels dangers du bisphénol A, et ou le trouve t’on encore ? Cordialement
Marie-Monique Robin : Le Bisphénol A est interdit dans les biberons en France depuis plus d’un an. Les dangers sont multiples : il agit à de très faibles doses équivalentes à celles que l’on trouve dans nos organismes ou dans notre environnement, et peut entraîner des troubles du comportement, des cancers hormonaux-dépendants (prostate et sein), des dysfonctionnements du système de la reproduction, diabète et obésité, notamment chez ceux qui ont été exposés in-utero. Malheureusement, le bisphénol A est toujours présent dans les boîtes de conserve, les canettes de boisson, les bonbonnes d’eau ou les récipients en plastique dur. Il faut se mobiliser pour que cette hormone de synthèse soit définitivement interdite dans tous les objets en contact avec nos aliments. Pour plus d’infos, consultez le site du Réseau Environnement Santé (reseau-environnement-sante.fr)
Florence : Pensez-vous que l’aspartame sera prochainement interdit? Et le bisphénol A?
Marie-Monique Robin : D’après mon enquête, l’aspartame n’aurait jamais dû être autorisé. Malheureusement, aujourd’hui on le retrouve dans au moins 6000 produits de consommation courante. Pour la Food and Drug Administration (FDA), l’Agence américaine chargée de la sécurité des aliments et des médicaments, c’est le produit pour lequel il y a eu le plus de plaintes pour effets secondaires de toute son histoire. Les effets sont multiples : troubles du système nerveux central (épilepsie, dépressions, troubles de l’attention), problèmes de vue, tremblements et effets cancérigènes confirmés par plusieurs études. Il faut espérer que ce produit sera retiré au plus vite du marché car il ne présente absolument aucun bénéfice pour le consommateur et met la santé, notamment des enfants, en danger.
Lefebvre : Je suis presque certain que ma polynévrite périphérique est due à une prise régulière d’aspartame pendant 4 ou 5 ans pendant lesquels il a remplacé systématiquement le sucre suite à tous les bons renseignements que j’avais glanés. Connaissez-vous des cas de ce genre correspondant à des problèmes neurologiques où l’aspartame serait en cause?
Marie-Monique Robin : L’aspartame est une neurotoxine (une excito-toxine) à cause des deux acides aminés qui le constituent (l’acide aspartique et la phénylalanine) qui ont des effets sur les neurones. Parmi les effets secondaires constatés les plus courants, il y a des troubles neurologiques y compris des problèmes de paralysie partielle. Je vous invite à lire mon livre, notamment les chapitres 14 et 15 que j’ai consacrés à l’aspartame, où je présente tous les travaux qui confirment ces effets. La bonne nouvelle, si j’ose dire, c’est que les effets disparaissent progressivement peu de temps après l’arrêt de la consommation de l’aspartame. Et réapparaissent dès que la consommation recommence.
Lilib47 : Pourquoi la France ne réagit pas pour interdire tout ces produits ? Y voit elle un manque à gagner ?
Marie-Monique Robin : C’est un problème de choix de société qui concerne tous les pays dits « développés ». Après la seconde guerre mondiale, ces pays ont décidé qu’il était incontournable de laisser les industriels utiliser des poisons chimiques pour fabriquer les produits qui caractérisent la société de consommation de masse. Le problème, c’est que ces produits sont très mal testés, et quand ils le sont c’est toujours pour le bénéfice des industriels et au détriment de l’environnement et de la santé des consommateurs. La question qui se pose, c’est de savoir si nous sommes tous prêts à courir des risques pour maintenir notre niveau de vie.
Marie : Nous savons tous que la pollution, les produits chimiques et d’autres choses nous tuent à petit feu… mais nous utilisons tous la voiture, nous mangeons des produits de synthèse, nous ne changeons pas vraiment nos habitudes… N’est-ce pas paradoxal?
Marie-Monique Robin : Il est un fait que les industriels ont une responsabilité importante dans cette crise sanitaire, mais nous avons aussi notre part de responsabilité car nous ne nous sommes jamais préoccupés de savoir dans quelles conditions les produits que nous utilisons quotidiennement ont été fabriqués, et quels sont leurs effets sur la santé. Encore une fois, c’est une question de choix de société, et concernant la nourriture, il est urgent que nous nous réappropriions le contenu de notre assiette.
Miora : Bonjour, je pense que beaucoup veulent manger bio ou acheter directement auprès des producteurs seulement soit on n’a pas les moyens d’acheter bio soit les producteurs sont un peu trop éloignés. Alors que peut-on faire dans ce cas là?
Marie-Monique Robin : Partout en France, il est possible de s’inscrire dans une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) qui permet d’obtenir chaque semaine un panier de fruits et légumes bio à un prix pas plus élevé que les aliments issus de l’agriculture conventionnelle. L’AMAP permet de se passer des intermédiaires et de se procurer des aliments par des circuits de proximité courts en encourageant les paysans à se convertir au bio. Si il n’y a pas d’AMAP là où vous habitez, essayez d’en créer une : vous verrez que, un peu partout, des agriculteurs n’attendent que ça. Vous pouvez aussi avoir le soutien d’associations comme la fédération Bio, et parfois même de vos conseils régionaux.
Steph : Comment peut-on agir localement pour faire pression sur les élus, les industriels ou les entreprises?
Marie-Monique Robin : Vous pouvez rejoindre les associations comme Mouvement des générations futures (mrdgf.org) ou le Réseau Environnement Santé dont on a déjà parlé précédemment, qui font un excellent travail en relation avec les politiques et ont besoin de volontaires partout en France. Il faut aussi informer vos élus locaux qui peuvent promouvoir les cantines bio, l’interdiction des pesticides dans les espaces publics, si vous êtes jeune vous pouvez rejoindre l’appel de la jeunesse (appeldelajeunesse.org) qui a aussi besoin de volontaires pour mener son travail de sensibilisation. Son président est originaire de Pau.
Bio24 : Vous écrivez que les agriculteurs sont moins victimes de cancer que la population. Comment l’explique-t-on?
Marie-Monique Robin : Globalement, les agriculteurs souffrent moins de cancers que le reste de la population. On l’explique par le fait qu’ils ont plus d’activités physiques que leurs concitoyens urbains, qu’ils fument et boivent moins d’alcool. Mais ils présentent des taux beaucoup plus élevés pour certains cancers comme ceux du système lymphatique (leucémies, lymphomes), cancers du cerveau, de la vessie, de la prostate, de la peau, ainsi que pour des maladies neuro-dégénératives comme Parkinson ou Alzheimer. L’explication est due à l’exposition aux pesticides.
Florence : Pourquoi la présence de Bisphénol A n’est-elle pas indiquée sur les emballages des produits alimentaires?
Marie-Monique Robin : Les industriels ont obligation de l’indiquer en Europe. Sa présence est signalée par un 7 dans un triangle.
Denis : La légalisation du purin d’orties est enfin promise… pourquoi a-t-il fallu aussi longtemps pour autoriser un produit a priori naturel?
Marie-Monique Robin : La raison, c’est le lobbying des industriels des pesticides qui ont tout fait pour qu’on interdise ce produit naturel très efficace…
Bio24 : Les mensonges des industriels ou des politiques sur ces questions de santé publique ne contribuent-ils pas largement à la perte de confiance en nos démocraties? Comment améliorer le système?
Marie-Monique Robin : Le problème central, c’est l’absence de transparence dans le système de règlementation des produits chimiques présents dans notre environnement. Il faut revoir ce système de fond en comble en introduisant une expertise véritablement indépendante avec un contrôle assuré par des représentants de la société civile, en collaboration avec les pouvoirs publics. C’est un enjeu démocratique majeur.
David : Vous annoncez une prochaine enquête sur l’alimentation bio… Avez-vous commencé? De quoi s’agira-t-il? Des prix honteux pratiqués par les commerçants?
Marie-Monique Robin : Récemment, sur le plateau de l’émission « Les mots croisés » de France2, le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire et le représentant de l’Industrie agroalimentaire Jean-René Buisson, ont affirmé qu’on ne pourrait pas nourrir le monde sans pesticides. C’est à cette question que je veux répondre avec un film et un livre qui sortiront à la fin 2012. Je vous invite à consulter mon site www.m2rfilms.com où je présente ce projet qui est soutenu par Arte et La Découverte, et où je lance un appel à souscription (préachat d’un DVD en tirage limité). J’ai déjà filmé à Genève Olivier De Schutter, le nouveau rapporteur spécial des Nations Unies pour le Droit à l’alimentation, qui a présenté un rapport sur l’agro-écologie avec de nombreuses expériences à grande échelle qui montrent que l’on peut faire autrement. Je peux d’ores et déjà dire, comme je l’explique dans mon livre « Notre poison quotidien », que l’agriculture chimique ou la fameuse « Révolution verte » n’est pas parvenue à nourrir le monde puisque aujourd’hui près d’un milliard de personnes vivent en état de malnutrition. De plus, l’agriculture chimique participe à hauteur de 32% au réchauffement climatique en épuisant les ressources en eau, les sols, la biodiversité, sans oublier les conséquences sur l’environnement et la santé des agriculteurs.
Sud Ouest Gourmand: Merci à Marie-Monique Robin d’avoir participé à ce Tchat. Elle sera à 18 heures à la librairie Mollat, puis à l’Utopia à Bordeaux à 20h30. Nous lui laissons le mot de la fin.
Marie-Monique Robin : ça fait 25 ans que je voyage dans le monde, et c’est la première fois que je ressens un véritable sentiment d’urgence. Tous les signaux sont au rouge : réchauffement climatique, destruction de l’environnement, augmentation de la pauvreté, crise sanitaire… Il est urgent d’agir, chacun de nous est responsable et peut intervenir à son échelle, là où il est. C’est une question de survie pour les générations futures.
« Notre poison quotidien ». En DVD chez Arte vidéo. Livre « Notre poison quotidien », Arte éditions/La Découverte, 20 euros.
6 Commentaires sur "Marie-Monique Robin : « Il est urgent de se réapproprier le contenu de notre assiette »"
comme d’habitude il faudra des années et des problèmes récurrents pour que certains se posent les bonnes questions. Déjà certaines marques d’eau et de « bifidus actif » commencent à changer leurs emballages..et les autres ? quand ??
Non seulement il faut qu’on surveille la composition de ce qui va atterrir dans nos assiettes, mais aussi celle des emballages, y compris celui des pâtes, les boîtes en carton..
Dilemne devant les rayons du supermarché… on achète suivant son budget ?? ou on accepte de se laisser empoisonner lentement mais sûrement ?
Que fait l’Affsa ???
Est-ce que quelqu’un pourrait dire à madame Robin que sur les produits bio aussi il y a des produits phytosanitaires, que certains sont loin d’être inoffensifs. Et oui, naturel ne veut pas dire forcément sain (si l’arsenic vous dit quelque chose… sinon cherchez dans la littérature viticole, vous trouverez facilement)… D’autre part, AMAP ne signifie pas produit bio, mais produit de proximité, il suffit de reprendre la charte de cette association pour s’en apercevoir. Après que la plupart des agriculteurs dans cette association soient en bio est un fait, mais c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas systématique… Trop de monde a tendance à l’oublier. Personnellement, je n’aurai de repos que lorsqu’enfin cessera ce dictat du bio au détriment de l’agriculture raisonnée dont le principe a plus de 10 ans, mais qui est soigneusement ignoré par la plus part des journalistes généralistes de la trempe de mme Robin et de sa consoeur Saporta et de ses méthodes frauduleuses… J’ai déjà laissé des commentaires à ce sujet, je ne veux pas faire mon troll, alors je n’insiste pas.
Agriculture raisonnée, tu parles !
C’est là une invention de la FNSEA, syndicat agricole productiviste, dont la seule raison d’être est le profit à tout prix. Rien à foutre de l’environnement.
Vous mélangez tout dans votre commentaire. Que toutes les AMAP ne soient pas bio, cela change quoi à la pertinence de la démarche ? Vous aimez apparemment les slogan des antibiotiques, mais que vient faire cela ici ? Rien à voir sur le fond.
Diktat du bio, tu parles encore ! Mais qui vous oblige à manger bio ? Comme si cela était imposé. si cela vous chante de manger non bio, ou « raisonné », libre à vous, personne ne vous en empêchera.
Vous devriez d’autre part préciser ce que sont les méthodes que vous qualifiez de frauduleuses en parlant de Mme. Saporta (que je ne connais pas) et en quoi elle doivent être associées à MM Robin. Laquelle n’a rien d’une journaliste « généraliste ». Car sur ce rayon elle en sait bien plus que n’importe quel autre journaliste, en ce sens que ce qu’elle fait est un journalisme d’investigation.
Enfin, voudriez-vous préciser où trouve-t-on de l’arsenic dans les produits bio, SVP ? Merci.
Ils empoisonnent nos corps et pour continuer ils faut que certains perroquets du système empoisonnent aussi les esprits. Merci à M-M Robin d’engager la grande lutte de décontamination et soutenons toutes les formes d’engagement pour sortir de ce cercle infernal.
MM. Marie-Monique ROBIN a le mérite de mener ses investigations à fond et d’aller jusqu’au bout des choses. Pour preuve le fameux documentaire qu’elle a réalisé sur MONSANTO. Je vous invite à acquérir le livre de Corinne GOUGET « additifs alimentaires » (les produits à éviter).
je suis dans une démarche BIO bravo …… MARIE MONIQUE ROBIN