On y trouve parfois le pire, mais on peut aussi y dénicher le meilleur. Avec Marc Lassus, membre de l’une des plus prestigieuses sociétés gastronomiques d’Espagne, nous avons sélectionné quelques-uns des meilleurs produits des ventas de la frontière espagnole.
On s’y rend presque honteux. C’est une halte sur le chemin d’un week-end à Saint-Sébastien, un arrêt furtif sur l’itinéraire de nos vacances. Le passage n’est pas obligé, mais il est génétiquement français. Presque compulsif. « Ici, on va faire des affaires. » Depuis l’ouverture de l’espace européen au milieu des années 90, l’économie des ventas a littéralement explosé. Mecques du tabac détaxé, temples de l’alcool à bas prix, paradis des produits de première nécessité bon marché, ces complexes commerciaux disséminés tout le long de la frontière espagnole donnent autant envie de détaler qu’ils aimantent. Des cars entiers s’y arrêtent. Les parkings continuent de pousser comme des champignons, les cafétérias y prospèrent, des discothèques, adossées à des grandes surfaces bétonnées éclairées au néon, surgissent de nulle part. Courage, fuyons ! Non, tempère Marc Lassus. Homme de peu de concession quand il s’agit des plaisirs de la table, membre d’une des plus prestigieuses sociétés gastronomiques d’Espagne, l’épicurien basque nous déculpabilise : « À condition de ne pas acheter le premier produit venu, de passer du temps, de lire les étiquettes et surtout de discuter avec les vendeurs, oui, on peut trouver des trésors. » Suivez le guide.
1. Le fromage
Si la France est le pays du fromage, l’Espagne est loin d’être ridicule avec près de 400 variétés recensées. Dans les ventas, la palette est large. Marc Lassus conseille de s’attarder sur les brebis de Navarre. Le Roncal, que l’on trouve à Dancharia, est une merveille. Surnommé l’enfant des Pyrénées, il fut le premier à obtenir une AOC. Fromage artisanal au lait cru, il est élaboré au nord-est de la province, près de la Soule. « Les pâturages y sont extraordinaires, naturels. Ce n’est pas du bio mais c’est tout comme », indique Marc Lassus. Son goût est fort, bien défini, avec une nuance piquante et une texture à la fois ferme et grasse. Autre produit à découvrir, les fromages fumés de Navarre. « Autrefois, on les faisait fumer en immergeant une pierre en grès brûlante dans le lait. »
L’Idiazabal, souvent récompensé dans les concours agricoles, est incontournable. Intense, fondant en bouche, avec un caractère de lait mûri. Dernier conseil de notre guide pour bien choisir son fromage : « Regarder la croûte. Elle doit être irrégulière. Cela prouve que le produit n’a pas été moulé dans un contenant industriel. Dernier détail important : plus elle est sombre, plus le fromage a vieilli. » Promesse de grands moments.
2. Les asperges
Là aussi, le choix est cornélien. Les marques se comptent par dizaines. Orientez-vous sur les produits provenant de Navarre. « C’est le jardin de l’Espagne. Au niveau des légumes, ils sont imbattables. » Le conditionnement en verre est à privilégier. « Il y a moins de risque d’oxydation et la conservation est plus longue. » Les marques Celorio et Chisco déçoivent rarement. Fondant assuré.
3. Les guindillas (piments) rouges
On les trouve en tresse à Dancharia et à Behobie. Condiment incontournable de la gastronomie basque. « C’est un délice avec un poisson cuit à la plancha ou à la braise. Un peu d’ail émincé, des guindillas coupés en rondelles sans enlever les pépins car ce sont eux qui confèrent le piquant, on déglace le tout avec du vin blanc et on arrose copieusement le poisson. » Simple, relevé, efficace.
4. La cuajada de Oveja
Présente dans toutes les ventas, testée à Berrouet. C’est un caillé de brebis industriel « travaillé sérieusement » de la marque Doncel. Intermédiaire onctueux entre le yaourt et la crème, à mélanger avec une confiture de cerise noire ou avec du miel. Certaines (plus difficile à trouver) sont salées et fumées.
5. La ventrèche de thon
Quasiment introuvable en France, sauf parfois chez le poissonnier, la ventrèche correspond à la partie la plus goûteuse du thon. Ces filets sont plus gras, plus moelleux et plus goûteux que les parties maigres de l’animal. Elle coûte généralement 5 euros de plus au kilogramme. Un luxe toutefois abordable, car il est ici vendu en petites boîtes de conserve. Mariné dans de l’huile d’olive, c’est un caviar à côté duquel il serait indécent de passer. Escuris propose un produit intéressant, serti d’un joli emballage « vintage ».
6. Le Txipister
Attention, produit 100 % basque ! Cette sauce est utilisée pour les barbecues ou repas populaires de Guipuzcoa, tels le Zikiro. Le plus spectaculaire est celui qui a lieu tous les ans dans les grottes de Akelarre près du village de Zugarramurdi. « On fait cuire le mouton horizontalement, on le coupe en quatre et on arrose les côtelettes de Txipister. C’est un mélange de vin blanc et de vinaigre de vin dans lequel on fait macérer des oignons, du piment, du thym, du persil, du laurier et de l’échalote. » La marque La Fragua, traditionnelle, est disponible à Ibardin.
7. Huile d’olive
Le Pays basque n’est pas la zone de prédilection des producteurs d’huile d’olive. Néanmoins, pour les inconditionnels du circuit court, la marque navarraise Urzante est très honnête. Pour un peu plus de soleil, il faut aller vers l’Andalousie. Ybarra, première pression à froid de la région de Séville, offre un très bon rapport qualité-prix. Ce mode de production est une véritable garantie pour le consommateur du maintien des qualités nutritionnelles de l’huile. Il signifie que cette dernière n’a pas été extraite à chaud et qu’elle n’a donc pas subi les différentes opérations de raffinage utilisées par la filière industrielle pour la rendre propre à la consommation.
Autre point fort, « ici, l’étiquette indique les variétés d’olives utilisées. C’est une information supplémentaire de traçabilité et cela démontre que les producteurs n’ont pas peur de leurs produits. ».
8. Jambons et charcuteries
Ne pas ramener de jambon d’Espagne frôle le crime de lèse-majesté, car il y a de ce côté de la frontière de vraies opportunités pour tutoyer les sommets et approcher la perfection.
Mais c’est sans doute sur ce produit qu’il convient d’être le plus informé tant l’offre est large et inégale. Un petit cours s’impose. Il y a en Espagne deux sortes de jambons : le serrano, « idéal pour les sandwiches », et l’iberico, réservé aux moments de grâce. Le premier, traditionnellement élevé dans la montagne, est issu du porc blanc. Le second, issu du porc noir, souvent appelé pata negra, est « le must » des jambons.. Là encore, pour ne pas se tromper, le secret réside dans la lecture de l’étiquette.
« Pour un serrano, il faut être attentif à sa fermeté et veiller à ce que les rejets de sel ne soient pas trop importants. Il ne faut pas hésiter à toucher et à regarder. » « Le jambon ibérique doit obligatoirement porter la mention iberico. Ensuite, il faut regarder la région d’élevage. Les trois plus prestigieuses sont Jabugo, Guijuelo et Teruel. La dernière indication à pister est l’alimentation du porc. S’il est notifié jamón de recebo, c’est un premier bon point. Cela signifie que l’animal a été nourri de légumes, de céréales et de glands. Enfin, le nec plus ultra est le jamón de bellota : les porcs ont été élevés en liberté et leur fin de nutrition a été uniquement composé de glands et de châtaignes. » L’affinage, de 24 à 48 mois, apporte la touche finale. Plus il est long, plus la charcuterie sera goûteuse.
Attention toutefois : dans les ventas, il n’est pas rare de faire choux blanc dans sa quête d’iberico. On en trouve néanmoins dans certains points de ventes à Ibardin et dans les rayons ordonnés de l’épicerie fine Solbes, à Behobie. Une douzaine de tranches ne vous ruineront pas. « C’est une merveille au palais, le goût est puissant, long en bouche, le gras totalement accompli », assure Marc Lassus.
Pour le lomo et le chorizo, la méthode à suivre est la même. Si la mention iberico figure sur l’emballage, la qualité sera au rendez-vous. Plus modeste, et beaucoup moins cher, le chorizo de Pamplona est acceptable en sandwich.
9. La viande
À Berrouet, la boucherie est un passage obligé. L’agneau vendu est la plupart du temps élevé en Navarre, où les herbages sont de grande qualité. « Si on a un doute sur la provenance, il faut interroger le boucher. Pour le gigot, il faut qu’il soit parcouru de veinules de gras. C’est un gras noble, qui donne du goût. Pour les côtelettes, en revanche, il faut moins de gras, car en cuisant à la poêle ou au four, la graisse mouille la viande. »
10. Les ménestras de verduras
Encore une spécialité de Navarre. À première vue, le bocal, mélange de petits pois, haricots verts, carottes, asperges, champignons et artichauts ne déclenche pas le coup de foudre immédiat. Erreur. Marc Lassus le considère comme une base bon marché pour un plat typique et savoureux : « Mettez tout ça dans une cassolette, ajoutez huile d’olive, une gousse d’ail, un œuf et une bonne tranche de jambon. C’est excellent. »
11. Les anchois
Sur les anchois, Marc Lassus est plus exigeant que jamais. « Évitez à tout prix les huiles végétales. Ils doivent mariner dans l’huile d’olive et il faut qu’ils proviennent de Cantabrie ou d’Ondorroa, un petit port du Pays basque. Là-bas, ils savent parfaitement enlever les arêtes. Cela évite que les grains de sel s’accrochent au milieu des filets. Enfin, il faut veiller à ce que les poissons ne soient pas trop serrés dans les bocaux. C’est préférable pour les garder intacts et dresser une belle assiette. »
12. Le Patxaran
À Berrouet, Marc a eu une intuition : « Ce Patxaran, je le sens bien. La bouteille à croisillons est traditionnelle, c’est bon signe. » Après le sixième sens, il a goûté : « Il est parfait. L’anis est très discret, le goût de la prunelle sauvage l’emporte. C’est ça un bon Patxaran. » Le verre vidé, une petite main sur son épaule : c’est le producteur. « Vous savez que je fabrique mon anis moi-même ? » « Foncez ! » Sa marque ? Laxoa.
13. Le cidre basque
Ici, on l’appelle le sagarno. Autrefois très astringent, il était embarqué sur les navires des pêcheurs de morue qui le buvaient pour lutter contre le scorbut. Depuis une vingtaine d’années, le vin de pomme basque s’est singulièrement amélioré et travaille à l’obtention d’une AOC. Plus viril que le cidre breton, très sec et légèrement acide, « il est produit comme un muscadet avec double fermentation sans soutirage. Avec une côte de bœuf, c’est excellent. » La marque Zapiain est un choix sans risque.
14. Le Txakoli
Dernier coup de cœur de notre épicurien : le Txakoli Txomin Etxaniz : « c’est la Rolls du Txakoli. Le cépage provient de Hondarrabia, le maître de chai, remarquable, contrôle parfaitement sa vinification. Au bout du compte, on obtient un vin perlé, fruité et sec. Sublime. »
Article de Pierre-Emmanuel Cherpentier, photos de Fabien Cottereau. Paru dans Sud Ouest Gourmand n°8.
3 Commentaires sur "Notre guide gourmand des 14 trésors cachés des ventas à la frontière espagnole"
pouvez-vouz me donner des idées de recettes simples que je puisse faire pour mes petits enfants… de 4 à 7 ans ?
je vous en remercie !
Bonjour Claude,
En surfant sur les pages de http://www.sudouest-gourmand.fr, vous devriez trouver votre bonheur! Voici quelques pistes de recettes qui plairont aux plus jeunes :
Un cocktail sans alcool :
http://www.sudouest-gourmand.fr/cocktail-sans-alcool-lile-fabuleuse
Un gâteau au chocolat :
http://www.sudouest-gourmand.fr/niniche-au-chocolat-comme-des-kanougas
Des petites verrines aux pommes :
http://www.sudouest-gourmand.fr/trifle-aux-pommes-et-au-miel
Des pets-de-nonnes :
http://www.sudouest-gourmand.fr/pets-de-nonne
Bon appétit!
Bonjour,
article qui date mais très sympa… je recherchais initialement un « guide » des ventas du Pays Basque (côté Pyrénées-Atlantiques) pour savoir les différences entre Dancharia, Ibardin, Behobie etc… mais cet article fut fort intéressant également!