Le chef de Plaisance, à Saint-Emilion (33), est à fond dans son nouveau job. Avec le talent en prime.
« Si les propriétaires n’étaient pas Chantal et Gérard Perse, je ne serais pas ici. » Cédric Béchade a voulu rendre service et, en même temps, le pari de remettre sur orbite l’Hostellerie de Plaisance, à Saint-Emilion (le Michelin a retiré les 2 étoiles que détenait Philippe Etchebest), le stimule. Les grandes maisons, il connaît. Le Palais, à Biarritz, le Louis XV, à Monaco, le Plaza, à Paris, figurent sur la feuille de route de Béchade qui, en 2007, inaugura volontairement une démarche entrepreneuriale en s’installant à Saint-Pée-sur-Nivelle où il réhabilita l’Auberge basque. Aujourd’hui, il est à fond dans son challenge qui ne se résume pas à être aux fourneaux et à se caler avec la brigade en place, les contacts à l’extérieur, la rencontre avec les producteurs et les fournisseurs prennent également du temps.
Cédric Béchade est en quête d’une nouvelle identité à Saint-Emilion
La première carte imaginée par le chef révèle sa manière, les beaux produits sont au service d’une cuisine qui trouve son sens dans la région et les saisons. Le caviar d’Aquitaine, le maigre de ligne de la Cotinière, le thon de Saint-Jean-de-Luz, l’asperge du Sud-Ouest, la poularde du Béarnais Pierre Duplantier, les escargots élevés en Gironde, le pain de Marie Sylvain, à Libourne, les œufs fermiers de Monbousquet, propriété viticole de Chantal et Gérard Perse, en témoignent. Quand vous incarnez la haute gastronomie et que les tarifs sont en conséquence – c’est le cas à Plaisance avec 2 menus à 120 et 170 euros – vous devez magnifier le produit en le rendant meilleur par des trouvailles dans les associations de goûts et les « arrangements » de saveurs. C’est ce qu’on appelle la cuisine d’auteur, infalsifiable et éveillée. Cédric Béchade, et c’est normal car le lieu dicte l’inflexion de la cuisine, Saint-Emilion n’est pas le Pays Basque, est en quête d’une nouvelle identité. « Le plus difficile », concède-t-il, d’expérience.
Il existe déjà des moments de grâce dans l’assiette
Le talent est indiscutable et il existe déjà des moments de grâce dans l’assiette. Ainsi de l’asperge blanche étuvée au sauternes – un miracle d’harmonie et de délicatesse – idéalement servie avec un croustillant noisette thym et citron. Ou du canard de Challans rôti – rectitude de la cuisson et éclat de la chair – accompagné d’une carotte à la feuille de citronnier, pois chiche et curry vert. Ou du bar joliment flatté par son alliance avec le boudin noir de chipirons. Seule petite faiblesse, la déclinaison de la betterave en dessert privée de force et de gourmandise, mais il s’agissait d’une première appelée à être remaniée. On mentionnera à la carte l’œuf de saison poché de chou-fleur et amande, croustade d’épaule ibérique et la lotte rôtie navets bio aux pomelos, palourde et sauce café ; les prix ont de l’altitude (respectivement 46 et 48 €), l’erreur, naturellement, n’est pas permise.
Superbe carte des vins, pour les accords avec les mets laissez vous guider par Benoît Gelin, le sommelier pointu de la maison. Depuis le 15 avril dernier et jusqu’au 15 octobre prochain, la Terrasse de Plaisance est ouverte le midi, du lundi au vendredi. Ici, la cuisine relève de la bistronomie, les tarifs sont plus accessibles.
Un article de Jacques Ballarin paru dans Le Mag Sud Ouest du samedi 26 avril 2014.
(1) Hostellerie de Plaisance, place du Clocher, à Saint-Emilion. Tél. 05 57 55 07 55