Ou comment des producteurs charentais retrouvent des raisons d’espérer en fabriquant des yaourts de qualité, qu’ils vendent sur les marchés.
Mathieu Renaud a 20 ans. Inutile de tourner autour du pot, la crise du lait – le prix faible payé au producteur – lui interdisait de travailler avec son père, Philippe, 51 ans, installé à Baignes-Sainte-Radegonde (16). La grève du lait, les dons de lait, Mathieu a connu. Sans illusion sur la politique des laiteries, sensible au soutien de la population, il décida de ne pas partir. La réflexion partagée avec les proches le convainquit d’aller suivre des stages de formation à l’École nationale de l’industrie laitière et agroalimenttaire de Surgères (17), pour y apprendre la fabrication du yaourt, du beurre et du fromage frais.
L’idée était simple : trouver une activité complémentaire qui apporterait les moyens de vivre de la traite. « La vente du lait n’y suffit plus, il faut emprunter pour pouvoir nourrir les animaux », déplore Mathieu. Son père a approuvé le projet. Valéry Jaulin, 32 ans, et Philippe Pozzobon, 42 ans, deux autres producteurs, ont adhéré à l’idée et ainsi est née Côté ferme, une SARL qui a sept mois d’existence.
Les trois troupeaux comptent 160 vaches laitières – des prim’ Holstein. La traite à l’année est de 1,5 million de litres. « Un quota que nous ne transformerons jamais », prévient Mathieu Renaud, qui rappelle que la traite a lieu « deux fois par jour, 365 jours sur 365 ». Et de pointer le succès rencontré sur les marchés depuis que Côté ferme se rapproche du consommateur.
Riz au lait et œufs au lait
Pour l’heure, le yaourt est le produit leader, avec, parallèlement, la vente du lait cru entier. Tous les dimanches matin, Mathieu Renaud est sur le marché qui se tient quai des Chartrons, à Bordeaux, avec Valéry Jaulin. « L’avantage du yaourt est de pouvoir vendre tout de suite, et il n’y a pas de perte », indique-t-il. Pas besoin de marketing, de pub ou de mise en scène : la clientèle a goûté et sait que la qualité existe. Prenez le lait cru entier juste refroidi, vendu 1, 20 € le litre : ni écrémé, ni traité, ni standardisé, quand vous le faites bouillir, il délivre de la crème et, souligne Mathieu, « si vous l’utilisez pour faire des crêpes, du riz au lait ou des œufs au lait, le goût n’a rien à voir avec le lait de grande distribution ».
Les yaourts sont de la même veine – il faut un litre de lait pour huit yaourts : la légèreté et la fluidité en bouche, et la franchise des saveurs traduisent l’excellence de la démarche artisanale. Pêche, miel, mûre, vanille, fraise, cerise (demain probablement abricot), nature et nature-sucré, la gamme offre du choix et le prix est honnête (0,80 € le yaourt fruité, 0,70 € le yaourt nature). La sélection des fruits est bio. Outre les marchés de Barbezieux, Chalais et Châteaubernard, les yaourts de Baignes, fabriqués dans un laboratoire aux normes, apparaissent en Charente dans les vitrines réfrigérées des boulangeries locales.
Plus d’autonomie
Les objectifs sont atteints, le développement passera demain par le beurre et le fromage frais. Les ambitions, à terme, sont la diminution du cheptel et l’introduction de la montbéliarde, race plus rustique que la prim’Holstein, ainsi que la suppression du maïs ensilage. « Nous voulons être autonomes à 100 %. Nous allons privilégier l’herbe, les cultures céréales et les légumineuses pour pouvoir nous passer du soja des États-Unis », annonce Mathieu.
(1) Côté ferme, 16360 Baignes-Sainte-Radegonde. Tél. 05 45 78 44 49 et 06 98 94 63 75.
Article de Jacques Ballarin paru dans Sud Ouest le 07 avril 2011.