Le Pays des Cèdres, vous vous souvenez ? Ce restaurant gastronomique libanais de la rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux a fermé en octobre 2010 pour laisser la place à un confrère marocain. Lequel a fini par fermer aussi. Mais revoici « la Fleur de Cèdre », à la fois restaurant et café littéraire.
Mais l’âme de l’enseigne, Fatmé Dupuy Al Salsabi, n’a pas disparu. Elle a même fini par se remettre aux fourneaux. Après deux années sabbatiques, durant lesquelles elle avoue s’être beaucoup ennuyée, elle a rouvert il y a un peu plus d’un an Fleur de Cèdre, un restaurant libanais, impliquant toujours son mari, Gilbert Dupuy, qui n’était pas pour rien dans le succès de l’établissement d’origine par sa manière aimable et distinguée d’assurer le service.
Une réouverture non au centre-ville mais au 138 rue d’Ornano, dans un quartier actif où l’on trouve la direction du travail, l’hôtel de police, des cabinets juridiques et le Conseil régional.
Du gastronomique, Fatmé est passée au bistro, mais avec de vraies serviettes. Peu de couverts (12 à 15) et une carte (une ardoise en fait) réduite, preuve qu’on ne sert pas du produit de congélateur. À midi, elle propose un menu de 16,25 € (hors d’œuvre, plat et dessert) ou 15 € avec deux plats ou 13,25 € avec le seul plat du jour. Jeudi dernier, on pouvait déguster en entrée le fatayou (un feuilleté aux épinards sous forme de trois berlingots) et en plat du jour le kafta (brochette de bœuf bio).
Un esprit qui transforme le travail de la cuisinière en » don de soi et acte d’amour «
Pour notre part, nous avons opté pour le chiche Tawouk (filets de poulet mariné au citron et à la moutarde servi en brochettes), accompagné d’une cassolette de légumes de saison, mets à la fois simples et raffinés, bien dans la manière irréprochable de la cuisinière. Celle-ci s’en tient à des produits frais et se met progressivement au bio, en particulier pour la viande. Mais elle en reste surtout aux bonnes vieilles recettes de sa grand-mère et de sa mère dans un esprit qui transforme le travail de la cuisinière en » don de soi et acte d’amour « . On ne saurait trouver meilleure profession de foi. Pas étonnant que le restaurant soit plein presque tous les jours et qu’il soit plus prudent de réserver (1).
Fatmé Dupuy Al Salsabi, diplômée d’un DEA à la fac de Lettres de Bordeaux, est aussi une passionnée de littérature. C’est pourquoi elle ouvre au premier étage de son restaurant un salon littéraire où ses invités peuvent venir discuter d’un livre autour d’un thé ou d’un café. Son univers, il est vrai, ne s’est jamais réduit à la restauration. Il y a six ou sept ans, elle s’était engagée à fond dans une association, Amel, en faveur des enfants de sa région d’Akkar, au nord Liban, pour leur apporter des fournitures scolaires en pleine guerre. Elle avait aussi organisé un spectacle de danse à leur profit à la Maison cantonale de la Bastide. Mais cet engagement lourd avait fini par l’user, elle et son mari, si bien qu’ils avaient fermé leur restaurant, au grand dam de leurs habitués. Ils savent maintenant où les retrouver.
Article d’Hervé Mathurin paru dans Sud Ouest le 08 février 2014. Photo Stéphane Lartigue.
(1) Ouvert à midi du mardi au vendredi ; le soir, les jeudi, vendredi et samedi. Tél. 05 56 35 89 53.