Ce petit pain à l’anis surmonté de quatre pointes se consommait entre les fêtes des Rameaux et celle de Pâques. Un boulanger perpétue la tradition en Gironde.
C’est l’histoire d’une recette confidentielle. « Elle est au fond d’un puits… Je ne l’ai reçue de mon père qu’en 1999, quand il a pris sa retraite et que j’ai racheté. Il n’y a qu’un de mes employés, Willy, qui sait où se trouve le puits. C’est le chef de la pigne, il est ici depuis vingt-cinq ans ». Nulle promesse de petit blanc ne saurait entacher la détermination du patron à protéger la fabrication de cette sorte de pain brioché. « C’est moi qui a amené la pâtisserie dans la maison en 78, mais c’est plus un truc de boulanger que de pâtissier. La recette, c’est une chose, le tour de main, une autre. »
Lui dont la faconde se répand allègrement à l’évocation du caractère familial et artisanal de la maison, des « épouses et des beaux-frères engagés », de ses 24 employés, pèse chacun ses mots en entrant dans la chambre de préparation. « Farine, œufs, sucre, anis », concède t-il du bout des dents, dans un sanctuaire embué où quatre hommes s’affairent dans l’humidité. « Ça fait un peu sauna mais ce n’est rien comparé à avant, quand la fumée du four à bois, au sarment en plus, s’ajoutait à la vapeur du bouillon. »
Les petites boules de pâte, incrustées d’anis de Marseille sont échaudées à l’eau bouillante avant d’être « pincées » aux coins, plaquées et enfournées
« Ce n’était pas doux », évacue sobrement la mère du patron. C’est que les petites boules de pâte, incrustées d’anis de Marseille – « le même que pour la fabrication du Ricard » – sont échaudées à l’eau bouillante avant d’être « pincées » aux coins, plaquées et enfournées. « Certains venaient récupérer le bouillon des pignes pour le boire », se poile M. Laurent, en rappelant les fréquents contrôles des douanes auxquels était soumis son grand-père, suspecté alors de contrebande d’alcool.
Au goût, la pigne du Blayais ne verse pourtant pas franchement dans l’anisette traditionnelle. « C’est un goût particulier, on peut ne pas aimer l’anis et aimer la pigne, et inversement. L’autre particularité, c’est la connotation religieuse. La pigne ne se faisait qu’entre les fêtes des Rameaux et de Pâques. À cette saison, il y avait aussi une grosse production d’œufs. C’est resté. Et ça reste aujourd’hui, même si on a un peu grossi la saison de mi-janvier à fin avril. »
Une temporalité qui favorise l’attrait et la fabrication des 5 à 6 000 pignes hebdomadaire (0,95 € l’unité). « Ça rappelle aux anciens leur jeunesse. On en envoie même par la poste », confirme la vendeuse Marilyn. Drôle que cet insigne du Blayais n’ait pas davantage essaimé. « Nous n’avons pas cherché à développer, c’est une spécialité locale, ça ne prend pas partout. »
Un article de Marie Morizot publié dans Sud Ouest Le Mag le samedi 07 mars 2015.
Maison Laurent, 48 Route de Saint-Malo, 33 390 Saint-Seurin-de-Cursac. Tél. 05 57 42 18 03.
Un commentaire sur "La légende gourmande de la pigne du Blayais"
De passage au Pontet à la bonne époque, un vrai bonheur et plein de souvenirs gustatifs ces pignes du bayais ! J’en emporterai dans le Var !