Du choix des fèves de cacao aux tablettes en passant par la torréfaction, Olivier Casenave a relevé le défi de faire son propre chocolat de A à Z au cœur de Saint-Etienne-de-Baïgorry (64). La tendance du « bean-to-bar » s’imposera-t-elle dans la région?
Madagascar, Pérou, Vietnam… Les destinations qui barrent les sacs remplis de fèves de cacao invitent à l’évasion. Pourtant, pas d’avion à proximité mais les montagnes du Pays basque intérieur qui veillent sur la petite chocolaterie artisanale Laïa, au cœur de Saint-Etienne-de-Baïgorry (64).
En 2009, le Mauléonnais Olivier Casenave, a investi cette ancienne brasserie avec la furieuse envie de fabriquer son propre chocolat. L’histoire entre cet ingénieur agroalimentaire et le cacao a débuté à une centaine de kilomètres de là, à Oloron-Sainte-Marie, chez Lindt. « Je fabriquais des bases avec un outil industriel. Je voulais expérimenter par moi-même, aller jusqu’au bout de la gamme, de la fève à la tablette. Je n’ai pas de formation de chocolatier mais j’avais les notions nécessaires pour faire du chocolat et tester mes recettes », raconte Olivier Casenave assis à une table de son salon de thé-boutique, attenant à son atelier.
Comme pour le vin, le terroir de provenance des fèves de cacao apporte des variations en bouche
La fabrication « de la fève au chocolat » s’appelle aussi « bean-to-bar ». Cette méthode était l’une des dernières tendances du Salon du chocolat, fin octobre, à Paris. « Il y a six ans, quand j’ai commencé, j’étais considéré comme un original. Pourtant, les Nord-Américains avaient déjà lancé le concept, un peu comme les micro-brasseries en ville. Les gens apprécient le côté fait ici » souligne-t-il.
Dans sa petite structure, qui compte deux salariés, Olivier Casenave maîtrise tous les éléments de la chaîne de fabrication, à commencer par le choix des fèves : « Je propose des origines rares comme le Panama, l’Inde ou le Vietnam mais aussi des standards pour satisfaire tous les publics. » Comme pour le vin, le terroir de provenance des fèves de cacao apporte des variations en bouche. Cette recherche de saveurs, de nuances, fait le propre du travail du chocolatier, qui gomme ainsi toute standardisation du goût. Ses tablettes, aussi fines que le peu de culpabilité éprouvé lors de la dégustation, sont réalisées avec du chocolat noir à 75 %.
Les tablettes, bonbons enrobés, pâte à tartiner et autres douceurs sont fabriqués chaque jour dans son petit laboratoire
« Le taux de sucre étant le même, il ne reste que les arômes, précise-t-il. Le palais se fait juge pour comparer. » Mais pour cela, il faut maîtriser une étape capitale : la torréfaction. « Comme dans toute préparation, la cuisson est essentielle. Si on cuit très fort les fèves, on enlève l’acidité mais on perd les arômes. Si on fait quelque chose de plus léger, on a les arômes mais un peu d’acidité », détaille-t-il. Une question de dosage et de savoir-faire en somme, qu’Olivier Casenave révise sans cesse.
« Mon chocolat préféré, c’est celui que je n’ai jamais travaillé », glisse-t-il dans un sourire, rappelant que « la valeur du bean-to-bar, c’est le chocolat noir ». Les tablettes, bonbons enrobés, pâte à tartiner et autres douceurs sont fabriqués chaque jour dans son petit laboratoire. Les pralinés élaborés à partir de fruits secs que l’on retrouve dans les bouchées sont réalisés par Hélène Deguiraud (Le Comptoir du praliné, NDLR), sa compagne. Actuellement, Laia produit entre 3 et 4 tonnes de chocolat par an. Début janvier, c’est au Japon, qu’Olivier Casenave présentait ses tablettes. Comme un explorateur en quête de territoires encore inconnus, le Mauléonnais souhaite toujours avancer : « Entre ce que je veux faire et ce que j’ai fait, ce n’est pas encore ça. Mais si je pense au chemin parcouru, je me dis que j’ai au moins réussi à créer un lieu de vie dans un village où on produit encore quelque chose. »
Chocolaterie Laia, rue de l’Église à Saint-Etienne-de-Baïgorry (64). Tél. 05 59 37 51 43. www.laia.fr
Un article de Julien Martinez publié dans Sud Ouest Le Mag le samedi 30 janvier 2016