La cuisine naturelle de Gilles Vérin, à Bordeaux, s’épanouit l’été dans la cour-jardin qui mélange le végétal, la couleur et la luminosité.
Loin du cœur de ville, des quais et du fleuve, loin des lieux d’affluence, le restaurant L’Absinthe, rue du Tondu, à Bordeaux (1), est une adresse discrète, fréquentée par les habitués. L’été vous ne courez pas le risque d’être refusé et vous avez l’assurance de passer un moment agréable. Sincères, Gilles Vérin et Virginie, sa compagne, sont dévoués à leurs hôtes ; ici le chef est en cuisine et à l’écoute, on est aux antipodes de la restauration business où le client est un numéro. Le tour de force de Virginie, peintre et décoratrice, est d’avoir donné une âme à cette maison de quartier en y apportant de la couleur, de la chaleur, de la vie. C’est vrai de la salle violette, le coin bistro, de la salle jaune, le coin resto, et des tentures spectaculaires ; c’est vrai de la cour, à l’allure carcérale avec ses hauts murs, devenue un jardin adorable qui mélange le végétal – vigne, menthe, tomates, capucines, glycine, et un olivier centenaire -, les œuvres d’art et, le soir, un éclairage joliment travaillé.
La carte, courte, suit les saisons. Gilles Vérin acclimate le produit frais qu’il transforme.
Tout cela a été fait avec peu de moyens mais avec sensibilité, la chanson sonne juste, à l’image de la cuisine de Gilles Vérin, naturelle, franche et savoureuse. Le chef bordelais ne veut pas être à la mode, il marche à l’instinct et privilégie l’éclat des saveurs. Les rognons de veau à l’absinthe, une suggestion indétrônable (19 €), relèvent de cette manière qui laisse aux choses le goût de ce qu’elles sont : le rognon, bien dégraissé, sauté à la poêle, flambé à l’absinthe (un extrait à usage professionnel fabriqué par la distillerie Guy à Pontarlier dans le Doubs), rehaussé d’un fond de veau et de moutarde de Reims, est succulent en bouche. On recommandera également – autres suggestions – la lamproie à la bordelaise (30 €), le magret de canard aux pêches fraîches (19 €) et la lotte au lard des Pyrénées coulis de crustacés (19 €).
Le midi, il est servi un menu à 16 € d’un bon rapport qualité/prix, où la touche du cuisinier est palpable, que ce soit pour la verrine d’avocat et saumon fumé maison (l’entrée), le merlu à la badiane, une façon inattendue de le traiter en le sortant des mariages habituels (le plat), la pêche pochée à la verveine, la crème brûlée à la violette ou le clafoutis aux cerises fraîches (les desserts). La carte, courte, suit les saisons. Gilles Vérin acclimate le produit frais qu’il transforme. Tout est préparé au moment, la cuisine est vivante.
Pour les vins, on mentionnera le bordeaux rosé 2013 Villa Ferret (21 €), le blanc Château Tour-Léognan 2011, pessac léognan (31 €) et le crozes-hermitage rouge Maison Juliette 2011 (29 €). L’absinthe, bien sûr, est la boisson la mieux partagée, à l’apéritif ou à la fin du repas.
Un article de Jacques Ballarin paru dans le Mag Sud Ouest du samedi 05 juillet 2014.
(1) L’Absinthe, 137, rue du Tondu (à l’angle de la rue François-de-Sourdis) 33000 Bordeaux 05 56 96 72 73