Andrée Rosier, MOF 2007, tient avec son mari « Les Rosiers » à Biarritz, table étoilée depuis 2009, et s’investit au Japon. La jeune chef de cuisine ne fait pas dans le bling-bling.
Andrée Rosier, de Mendionde, révélée à l’Hôtel du Palais, est discrète et préfère le rester. Même si la chef basque a ouvert avec son mari, Stéphane, et l’aide d’un investisseur nippon, deux restaurants au Japon, dont l’étoilé Les Rosiers Eguzkilore (Fleur du Soleil).
« Sud Ouest ». On ne vous voit pas à la télé, ni dans les médias. Vous cultivez la discrétion ou vous êtes timide ?
Andrée Rosier. Je suis plutôt discrète (sourire), et pourtant ce ne sont pas les propositions qui ont manqué après mon titre de Meilleur Ouvrier de France en 2007 et notre étoile en 2009. Mais avec Stéphane, nous avions la volonté d’avoir notre restaurant, chez nous, au Pays basque, pas loin de notre famille et de nos amis.
Les Rosiers, ouvert en juin 2008, c’est notre priorité. Nous sommes proches de nos clients et nous avons trouvé notre rythme de croisière. L’idée n’est pas de vouloir faire plus grand ou de viser plus haut.
Vous avez quand même un pied-à-terre au Japon, où vous êtes presque plus connue qu’en France !
N’exagérons pas ! Mais c’est vrai que c’est un pays que j’adore. Après mon titre de MOF, j’ai été invitée au Japon par un chef français, à Osaka. J’y suis retournée pour participer à des semaines sur la gastronomie basque. Nous avons rencontré un investisseur japonais qui cherchait un chef pour ouvrir un restaurant. Il a retenu notre projet et Les Rosiers Eguzkilore sont nés en septembre 2010 dans le quartier Ginza, les Champs-Élysées de Tokyo. Il y a 60 places. Au bout d’un an, nous décrochions une première étoile Michelin. En avril 2013, nous avons ouvert Les Rosiers Bistrot de l’Oie, dans le quartier d’affaires Kyobashi. C’est une grande brasserie qui fait 110 couverts par jour.
Comment procédez-vous au Japon ?
Nous avons carte blanche pour créer les cartes, choisir la vaisselle… Nous avons recruté les deux chefs exécutifs, qui ont été formés en France et parlent français. Ils sont entourés d’une brigade 100 % nippone. Les Japonais sont de gros travailleurs, des gens très respectueux. Ils ne se plaignent jamais, bossent avec le sourire de 8 h 30 à 23 heures avec une pause d’une heure trente. Ils n’ont que onze jours de vacances par an. Les Japonais vivent pour le travail, c’est radicalement différent de la France, où on n’arrête pas de se plaindre, surtout dans notre milieu…
Vous adaptez vos plats de Biarritz ?
Au gastro étoilé, oui, mais avec des nuances, notamment sur les légumes, qui sont moins goûteux chez eux. Le poisson, en revanche, c’est le paradis. Au bistrot, la carte propose des plats basques (piperade, axoa, chipirons, poulet basquaise, gâteau basque…), les Japonais adorent. Il y a une grosse mise en place préparatoire pendant quinze jours quand on y est, et ensuite on travaille par mail pour l’envoi des recettes et photos. Nous y allons deux fois par an, en mars et novembre. Nous mettons en place un menu spécial. Et chaque fois, nous sommes scotchés par l’accueil et la gentillesse des Japonais.
Et à Biarritz, comment est l’ambiance entre chefs étoilés ?
Figurez-vous que l’on s’entend très bien. Nous sommes tous de la même génération à peu près, chacun avec son style. On prend le café aux halles le matin, on s’échange des infos, des fournisseurs, des recettes, et on s’envoie des clients dès que l’on est plein. C’est agréable de bosser comme ça.
Après six ans d’étoile, comment jugez-vous votre parcours ?
Nous sommes contents, nous travaillons très bien, avec une équipe fidèle, de la plongeuse au maître d’hôtel. Nous avons mis trois, quatre ans à fidéliser une clien- tèle locale et de résidents secondaires.
Nos plus gros mois en chiffre d’affaires sont août et septembre. Et les week-ends d’hiver, les Bordelais, Toulousains ou Palois nous rendent visite. Nos 11 tables et 30 couverts sont rapidement réservés. On croise les doigts !
Les Rosiers, 32, avenue Beau-Soleil, à Biarritz. Tél. 05 59 23 13 68.
Article de Christophe Berliocchi publié dans Sud Ouest le 06 mars 2014. Photos Jean-Daniel Chopin.