Du classique en buis au design en Corian, les célèbres couteaux de Dordogne bénéficient d’une solide réputation et du concours de célèbres créateurs.
21 juin 2000-21 juin 2010. Dix petites années sur une histoire longue de plus de cinq siècles, mais dix années empreintes de renouveau au sein de la Coutellerie nontronnaise. Ce changement est marqué par l’entrée dans de nouveaux murs, à la fois lieu de fabrication et de vente, au cœur même de Nontron. Accroché à la falaise, le bâtiment dessiné par l’architecte Luc Arsène-Henry s’intègre dans le paysage en terrasse. Une partie bardée bois pour le manche, une partie en inox pour la lame, l’entreprise dispose d’un nouveau berceau qui lui ressemble, agrémenté de quelques meubles signés Philippe Starck.
Rachetée en 1992 par le groupe Forge de Laguiole, la Coutellerie nontronnaise garde son identité. Une identité pyrogravée sur chaque couteau et reconnaissable entre toutes : il s’agit de la mouche, ce « V » entouré de trois points. Compagnonnage, franc-maçonnerie ? Nul ne connaît son origine…
Le traditionnel buis
Seize personnes travaillent à la continuité de l’histoire du couteau de Nontron. Tout commence par l’achat du bois. 20 à 25 stères d’essences sont écoulés chaque année. Si le genévrier, l’ébène, le bois de rose, le palissandre et le frêne densifié (c’est-à-dire traité pour pouvoir passer dans le lave-vaisselle) font désormais partie de la palette utilisée, le traditionnel buis demeure majoritaire. Ce bois vient de la forêt de la Braconne dans l’Angoumois, du Poitou, du Causse de Quercy notamment. Bref, de la région. Sa très forte densité et la finesse de son grain en font une matière première idéale pour tourner les manches, qu’ils soient « sabot », « violon », « boule » ou « queue de carpe ». Il sèche quatre ans à l’air libre, dans les anciens ateliers couverts de tôle, avant de pouvoir être travaillé.
A Nontron, point de forge. Les lames en forme de feuille de sauge et autres pièces métalliques sont directement livrées de Laguiole. L’acier au carbone qui s’oxyde au fil du temps est destiné aux couteaux de poche. L’acier enrichi de chrome, et donc inaltérable, intègrera les ménagères et les batteries de couteaux d’office. Le chrome est instillé avec modération, juste ce qu’il faut pour éviter l’oxydation, car plus il est présent et plus l’affûtage devient difficile.
Artisans d’art
Passons à l’atelier. Ici, nous sommes très loin du travail à la chaîne. Neuf hommes et une jeune femme perpétuent la tradition du montage de A à Z. D’ailleurs, on ne devient pas artisan coutelier à Nontron en quelques mois. Deux ans de formation sont nécessaires pour être capable de produire le panel de couteaux proposé par l’entreprise. Ne cherchez pas les gabarits, il n’y en a pas. La main et l’œil guident la fabrication ; l’art s’ajoute à la technique. Chaque artisan récupère toutes les pièces nécessaires au montage du couteau et procède par série de 40 environ, question de productivité. Une série est terminée en deux jours. 50 opérations s’enchaînent. Il s’agit notamment de fixer la virole (bague de métal autour du manche), puis la lame, puis la virole tournante qui permet de bloquer la lame du couteau pliant. Interviennent alors le limage pour effectuer les finitions du manche, la pyrogravure avec des fers spéciaux, le ponçage, le polissage et enfin, l’affûtage. Le Nontron classique, en buis et à virole, est prêt à l’usage !
La signature des designers
Pour diversifier la gamme et toucher une clientèle élargie, la coutellerie nontronnaise fait régulièrement appel, depuis 2005, a des designers de renom. Olivier Gagnère est le premier à avoir créé un modèle pour la marque. Le manche en matière composite (kraft et résines pour le noir, Corian® pour le blanc) tranche avec les classique, et c’est toujours un succès ! Eric Raffy, en 2007, garde le buis et introduit l’ébène, tout en appuyant sur l’inox. Un autre succès. Stefania di Petrillo, une jeune designer en résidence à Nontron, ville des métiers d’art, a l’idée de dessiner un set de couverts de pique-nique dont chaque élément s’aimante. Présenté en 2008, cet ensemble à 75 euros, très innovant, séduit aussi énormément. Cette année, c’est Christian Ghion, à qui l’on doit notamment plusieurs décors des restaurants de Pierre Gagnaire, qui a relevé le défi. Son Nontron pliant en ébène a reçu le premier prix des Trophées aquitains de design industriel. Il devrait être en vente avant la fin de l’année.
Ce virage a introduit les Nontron dans des hôtels de luxe de Dubaï et sur des tables renommées telles le Château du prince noir de Jean-Marie Amat, le Château des Reynats, la Bastide de Moustiers, le Saint James de Michel Portos, l’Auberge du Vieux Puits, seul nouveau 3 étoiles 2010…
L’histoire de ce couteau légendaire est toujours en marche.
Article de Sandrine Tassigny, reportage photo de Jean-Jacques Saubi. Publié dans le numéro 5 de Sud Ouest Gourmand (juin 2010)
Un commentaire sur "Nontron, le couteau à l’affût du design"
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