A l’occasion de la parution de son ouvrage « Connaître la cuisine bordelaise » aux éditions Sud Ouest, François Martin a répondu mercredi 13 avril aux questions des internautes.
Sud Ouest Gourmand : Votre livre sur la cuisine bordelaise est paru il y a trois semaines environ. Pourquoi ce livre, et pourquoi ce thème de la cuisine bordelaise?
François Martin : En fait, ma vocation de dégustateur en vin est de transmettre le goût du vin. Et ma passion depuis plus de vingt ans est de cuisiner au quotidien. Le livre est la synthèse de ma propre expérience et d’une fréquentation assidue des restaurants girondins depuis 30 ans.
Ludivine : La cuisine bordelaise, c’est surtout de la cuisine au vin?
La cuisine bordelaise est toujours accompagnée d’un vin particulier. Compte-tenu de la diversité de la production bordelaise, il est toujours très facile de trouver un accord mets-vins. En revanche, tous nos types de vins à Bordeaux permettent de faire d’excellentes sauces. Surtout concernant les vins rouges et les vins liquoreux. C’est le cas dans mon livre des trois recettes suivantes : la daube de joue de boeuf aux cèpes, la daube de joue de porc au liquoreux et bien évidemment la fameuse lamproie à la bordelaise.
Combien de recettes y a-t-il dans votre livre?
Il y a 20 entrées, 30 plats et 10 desserts. En fait, je préfère les plats salés aux plats sucrés. Donc, j’ai privilégié bien évidemment, compte-tenu de ce paramètre, les entrées et les plats.
Didier : Donnez-vous des conseils d’accompagnement mets/vins dans votre livre?
Toutes les recettes du livre sont accompagnées d’un accord mets-vins. J’ai essayé pour l’occasion d’aborder tous les types de vins produits dans le bordelais. Je rappelle que la région produit annuellement 800 millions de bouteilles pour 60 appellations d’origine contrôlée différentes, et 5 grands types de vin : les blancs secs, les rosés, les rouges, les liquoroeux ainsi que les vins effervescents. Cette diversité facilite le plaisir qui consiste à associer un plat et un vin.
Jean-Pierre : Il est souvent dit qu’il est difficile de marier un vin, notamment rouge, avec un plat à base d’oeuf (omelette, sur le plat). Que conseillez-vous ?
A mon avis, les oeufs constituent pour le vin rouge un bon accord mets/vins. Cela dit, il est d’usage dans le beaujolais et à Lyon, de consommer les oeufs avec un vin issu du cépage Gamay jeune de préférence. On peut donc choisir pour une version bordelaise un vin jeune issu du cépage Merlot sans élevage en barrique, souple et fruité, à consommer l’année suivant la récolte.
Bordeaux produit deux grands types de vins rouges : les premiers sont souples et fruités. On peut les trouver en appellation Bordeaux, mais aussi dans les Graves ou du côté de Saint-Emilion. Ils sont issus de vinification et d’élevage en cuve et permettent une consommation rapide dans l’année qui suit les vendanges. Les seconds, plus concentrés, plus colorés, ont toujours beaucoup plus de matière et de structure. Ils sont élaborés en général avec un élevage de douze à dix-huit mois de barrique qui ajoute de la structure et de la complexité aromatique à leur bouquet : notes alimentaires de vanille, girofle, fumées, accompagnées de sensations de grillé, de toasté et de notes torréfiées.
Miora : Je n’ai pas encore acheté le livre, j’ai l’intention de le faire mais en attendant pourriez-vous donner une entrée très facile à faire (du livre)?
L’entrée la plus simple et la plus fantastique m’a été confiée par Babé, aux fourneaux du Trinquet moderne rue Georges Bonnac (à Bordeaux) il y a déjà quelques années : il s’agit des « Oeufs du Trinquet ». Non seulement cette recette est la meilleure façon de présenter l’oeuf avec un côté grillé, moelleux et liquide, mais elle permet aussi d’y incorporer ce qui vous fait plaisir : saumon fumé, lard grillé, magret fumé, truffes, cèpes, girolles, coriandre… De plus, elle reste très économique. Vous devrez cependant vous équiper de cercles à pâtisserie pour la réaliser. Par expérience, vous allez vite les amortir.
Steph : Comment avez-vous sélectionné les recettes de votre guide? Lesquelles n’avez-vous pas pu conserver ou auriez-vous aimé ajouter?
J’ai essayé justement d’incorporer le maximum de nouveautés en restant fidèle à une certaine tradition de la gastronomie bordelaise. Dans cet état d’esprit, certaines recettes intègrent cette fameuse plancha, apportée par les espagnols, les épices viennent du Maghreb et certaines autres recettes sont inspirées de cultures culinaires asiatiques. Le tout étant de rester au plus près des produits de la région. J’observe que la plupart des grands chefs français ont revisité leur cuisine avec la volonté du métissage des couleurs, des textures et des arômes.
Marie : Je souhaite réaliser une sauce au vin. Y en a t-il dans votre livre ? Quel vin conseillez-vous pour cela ?
Pour réaliser une sauce, il est important de choisir le produit pour en déterminer l’accord produit/vin. D’une façon générale, ce sont les vins rouges et les vins liquoreux qui seront le plus utile. Les premiers amènent des sauces puissantes, les seconds de la douceur et de la sucrosité. A ce sujet, pour des sauces à base de vin rouge, n’hésitez pas à ajouter quelques pruneaux d’Agen pour en adoucir la note. Parfois la puissance d’une sauce peut déranger certains convives. Les recettes du livre à base de sauce sont très faciles et n’exigent pas de marinade préalable en dehors de celles qui concernent le gibier.
Un petit conseil : il n’est pas utile de flamber le vin avant de l’incorporer dans la marmite puisque les molécules d’alcool (éthanol) sont volatiles. Et donc disparaissent en cours de cuisson.
Martine Moreau : Est-ce que la cuisine du canard et du foie gras fait partie de la cuisine bordelaise?
Bordeaux est la capitale de l’Aquitaine depuis de nombreux siècles. Concernant la cuisine, il est normal qu’elle s’inspire des produits aquitains. L’un de ceux-ci, certainement le plus emblématique, est le canard, sous toutes ses formes. On le trouve dans les Landes, dans le Périgord et même en Gironde comme en Lot-et-Garonne. Il paraît donc très naturel de pouvoir l’intégrer au sein du patrimoine culinaire bordelais.
Nini33 : Quel serait le menu typique bordelais selon vous (entrée / plat /dessert)? Et avec quels vins le serviriez-vous?
Il existe bien entendu plusieurs dîners typiquement bordelais, mais on peut tout de même dire que sans huîtres, sans lamproie à la bordelaise, sans entrecôte aux sarments, sans fraises ou poires vineuses, et bien entendu sans vin de Bordeaux, ceci serait un grand désastre!
Marie : Quel dessert léger recommandez-vous après une entrecôte à la Bordelaise ?
Après l’entrecôte, pour terminer léger et dans le ton, on peut alors choisir des fraises au vin rouge qui vont clôturer ce magnifique déjeuner bordelais!
On évitera si possible de sucrer les fraises pour garder la fraîcheur et l’acidité de ce dessert. Si on tient absolument à l’accompagner d’un vin de Bordeaux, on choisira plutôt un vin de Saint-Emilion à base de Cabernet Franc, plutôt jeune. Les arômes variétaux de ce cépage sont souvent la framboise et la groseille, donc une association de fruits rouges. La fraise par elle-même est un arôme souvent rencontré en Bourgogne avec des vins issus de Pinot noir.
Miora : A part les poires et les fraises, quel(s) autre(s) fruit(s) se marie(nt) bien avec du vin en dessert?
Les deux recettes que vous évoquez associent des fruits et des vins. Les vins de dessert bordelais par excellence restent les vins moelleux et liquoreux du sud-Gironde. Rive droite avec les Loupiac et les Sainte-Croix-du-Mont, rive gauche avec les Cérons, Barsac et Sauternes. Ils offrent une telle palette aromatique qu’ils s’adaptent à pratiquement tous les desserts, qu’il soit à base de fruits, de crème ou de chocolat.
Marie : Quelle est la véritable histoire du cannelé ? J’ai entendu dire qu’elle était liée à la fabrication du vin. Est-ce vrai ?
Comme toute recette un peu mythique, elle a plusieurs légendes. Mais à ma connaissance, aucune ne concerne le vin. Concernant la réussite des cannelés, il est souhaitable, même si c’est davantage de travail, d’utiliser des moules en cuivre puisque ceux en silicone offrent souvent une cuisson moins bien adaptée aux exigences qui font sa qualité première : craquant à l’extérieur, moelleux à l’intérieur.
Nini33 : Quelles sont les meilleures adresses à Bordeaux (ou ailleurs!) pour déguster la cuisine bordelaise?
Je conseillerais pour déjeuner ou dîner (à la bordelaise) d’aller bien entendu à la Brasserie bordelaise rue Saint-Rémi, mais aussi au Noailles allées de Tourny. Les photos de ces deux institutions sont d’ailleurs dans le livre. Bien entendu, bien d’autres endroits à Bordeaux comme en Gironde permettent de goûter les produits du terroir avec de bons rapports qualité/prix.
Josette : Où peut-on trouver votre livre ?
On peut trouver mon livre partout en France et dans tous les pays francophones. Concernant la France, le livre est diffusé en librairies, dans les maisons de presse et les grandes surfaces. Et les grandes enseignes nationales comme la Fnac et Cultura. On le trouvera bien entendu chez Mollat à Bordeaux.
« Connaître la cuisine bordelaise » (éd. Sud Ouest, 2011, 64 pages couleur, 7,50 euros).