Que ce soit dans son fournil, à Lanne-en-Barétous, ou dans son laboratoire de pâtissier, à Pau, Jean-Luc Constanti cultive l’excellence. Et ça se sait.
« J’ai amené le sucré dans la famille parce que mon père me l’a demandé », confie Jean-Luc Constanti, 50 ans, dans sa boutique ouverte à Pau voici deux ans, rue Henri-IV. L’élégant et clair magasin qui pousse au péché de gourmandise, juste en face de l’église Saint-Martin, est le dernier essaimage de la maison Constanti, fondée à Lanne-en-Barétous par son grand-père, boulanger, en 1923.
Dans les présentoirs, une vingtaine de variétés de macarons : cassis, pistache-griotte, pain d’épices, madère poivré, etc. Plus loin, ultime création de Jean-Luc Constanti, les Douceurs du Béarn, guimauves au cassis, abricot-fruit de la passion ou citron vert. Et ce n’est là qu’un échantillon des merveilles pâtissières qui s’offrent à la convoitise.
Un gâteau basque « sans crème d’amandes, qui n’est qu’un cache-misère »
Son gâteau basque est à la crème pâtissière rhumée ou bien aux cerises entières. Mais surtout sans crème d’amandes, « qui n’est qu’un cache-misère », tonne-t-il. Chez lui, entre la tarte grand-mère, aux poires Williams, gorri (1) « et tout ce que la clientèle me demande de remettre au goût du jour », abrège-t-il, les Palois retrouvent aussi les spécialités de la pâtisserie Andrieu, aujourd’hui disparue. Car c’est chez Andrieu que Jean-Luc Constanti a fait son apprentissage, place Gramont. Avant d’obtenir le 2e prix national du concours du Meilleur Ouvrier de France, en 1983. Puis de revenir dans sa montagne, en 1985, à l’appel de son père. « Je suis un nostalgique de Pau, où j’ai vécu quatre ans, et l’envie d’y revenir n’a fait que croître depuis que la maison Andrieu a fermé. »
Jean-Luc Constanti porte sa double filiation, boulangère et pâtissière, sans manifester de préférence
Issu d’une lignée de boulangers – elle-même héritière d’un meunier du quartier Barlanès à Lanne-en-Barétous, l’arrière-grand-père de Jean-Luc -, et donc né à la pâtisserie à Pau, le jeune quinqua, qui se définit lui-même comme un « patron impossible », porte sa double filiation, boulangère et pâtissière, sans manifester de préférence. « Le plaisir est le même », dit-il.
Tantôt à Lanne, où il travaille tout ce qui est « farine » : boulangerie, viennoiseries, macarons, tantôt à Oloron, où l’occupent la pâtisserie et les glaces, tantôt dans son petit laboratoire de Pau, où il n’admet personne d’autre, Jean-Luc Constanti s’active de 4 heures du matin à 10 heures du soir. « Je ne m’arrête que pour bouffer. C’est terrible à dire, mais je ne fais rien d’autre ; rien avec ma famille, qui me le reproche assez… »
Ce mea culpa expédié et ayant rendu grâce à son épouse, Nathalie, « qui gère l’humain et tient la baraque », ce qui n’est pas rien puisque la maison Constanti emploie 34 salariés, à Lanne, Arette, Oloron et Pau, notre homme revient à sa double raison sociale. Le pâtissier dialogue en permanence avec ses clients restaurateurs. À Pau, ce sont La Table d’Hôtes des trois frères Ithurriague, L’Aragon, Ze Bistrot, Chez Canaille, Le Passage, Les Pipelettes « et bientôt Le Berry », glisse-t-il, mystérieux. À Bouliac, près de Bordeaux, c’est Nicolas Magie, le chef du Saint-James.
Mais, à Paris, c’est plus en boulanger qu’il échange avec le Palois Yves Camdeborde, un ami de quinze ans rencontré dans un resto d’Eddy Mitchell, grâce à l’entregent de Marie Cazaban, la directrice de l’office de tourisme d’Oloron. « Avant de me connaître, Yves prenait déjà le pain chez moi », confie-t-il. Le pain maïs épicé au piment d’Espelette est la grande spécialité de la maison.
Il a aussi une grande complicité avec Jean-Marc Notelet, le chef du Caïus, dans le 17e arrondissement de Paris. « C’est un spécialiste des épices ; il me demande régulièrement des créations. » Tout dernièrement, la « commande » était à base de café vert du Venezuela. Résultat : « Je vais lui sortir un pain au café au lait », annonce Jean-Luc Constanti avec l’aplomb d’un joueur de poker.
L’activité de la maison Constanti a « explosé » dès son arrivée à Oloron, il y a presque dix ans. À Pau, où la concurrence n’est pas mince, sa boutique se fait une place, par le bouche-à-oreille. Pour son chapeau de d’Artagnan, sorbet aux pruneaux empanaché de chantilly et monté sur nougatine, ou bien pour son pain, c’est selon.
(1) Métonymie pour « fruits rouges », gorri signifiant « rouge » en langue basque.
Un article de Thomas Longué publié dans le journal Sud Ouest du jeudi 25 septembre 2014. Photos David le Déodic.