Aurélien Dufour est une star de la charcuterie à New-York.
Grand, élancé aux yeux bleus, Aurélien Dufour ne ressemble pas au cliché du charcutier moustachu au ventre bedonnant. Depuis le début de l’année, ce jeune Bordelais de 28 ans est le responsable de toute l’unité de production de Daniel Boulud, le grand restaurateur français étoilé et à la tête d’un empire gastronomique en Amérique du Nord. Sa position est stratégique puisqu’il fournit les sept restaurants, l’épicerie et le service de traiteur du groupe à New York. « J’ai très vite voulu avoir plus de responsabilités, et que la majorité de la charcuterie se fasse ici afin de mieux contrôler la qualité de ce que l’on sert. Par semaine, nous transformons entre deux et trois tonnes de viande », explique le chef, qui a ses adeptes. Il faisait notamment partie de la trentaine de chefs invités au Duckathlon, une manifestation mettant à l’honneur la viande sous toutes ses formes, organisée à la mi-juin en plein cœur de Manhattan par la Gersoise Ariane Daguin, dont l’entreprise D’Artagnan est basée au New Jersey.
À 18 ans, j’étais chef charcutier-traiteur dans une grosse maison, une maison à concours, qui donne les moyens pour t’emmener au bout.
C’est le père d’Aurélien qui lui a transmis l’amour de la bonne chère lorsqu’il cuisinait le dimanche, à Bordeaux, puis à Hambourg en Allemagne où la famille s’expatrie à la fin des années 1980. Jusqu’en 2000. « Je comprenais le français, mais je ne savais pas lire. À notre retour à Bordeaux, autant dire que je n’étais pas le numéro un de la classe. »
Il décide alors d’intégrer le Centre de formation pour apprentis (CFA) Simone-Brandy, en alternance à L’Aviateur, le restaurant privé de l’aéroport de Mérignac, puis dans la brigade de L’Absinthe à Bordeaux et pour la société Monblanc à Saint-Jean-d’Illac. Chez ce traiteur, Aurélien Dufour se passionne pour le contact avec les gens, les réceptions et les événements. Il intègre le CFA de la Chambre de métiers et de l’artisanat de la région Aquitaine. « Je me souviens de M. Cid, Meilleur Ouvrier de France (MOF), qui était un professeur génial. Il m’a formé sur toutes les bases du traiteur, charcuterie, cuisine, pâtisserie. » Et calme l’impulsivité du jeune homme, le poussant à renforcer sa technique pour passer des concours.
Ils m’ont donné trois jours pour me décider, il m’a fallu une heure
Après un passage à la charcuterie Gruel à Arcachon, il a le choix entre intégrer l’armée, comme son père, ou partir à Houilles pour continuer sa carrière chez un Gérard Béranger, lui aussi MOF. « À 18 ans, j’étais chef charcutier-traiteur dans une grosse maison, une maison à concours, qui donne les moyens pour t’emmener au bout. Je passais beaucoup de temps à les préparer. Un jour, on m’a dit ‘‘À ton tour’’, j’avais 19 ans. Je me souviens, j’avais préparé une galantine d’écrevisse avec du poulet, qui pesait 8 kilos et que l’on avait fait cuire pendant 19 heures. J’ai été élu Meilleur Jeune Espoir, en finissant deuxième. »
En 2007 et 2008, il est reconnu Meilleur Jeune Chef Charcutier de France. Il enchaîne les concours et les places sur les podiums et décide de se préparer pour la grand-messe du Meilleur Ouvrier de France. C’est sans compter un appel de Gilles Vérot, grand traiteur de Paris. Tout juste associé à Daniel Boulud, il cherche le chef qui développera ses produits au sein du groupe Dinex à New York. « Ils m’ont donné trois jours pour me décider, il m’a fallu une heure », raconte Aurélien Dufour. C’était en 2010.
Il veille comme un cerbère à la fabrication de produits à la française
En quatre ans, la toque bordelaise est devenue un élément clé de la brigade d’un des plus grands chefs français aux États-Unis. En 2013, il a même été reconnu comme une des étoiles montantes de cet artisanat par StarChefs.com, un webzine référence en matière culinaire.
Dans sa cuisine, ses couteaux faits spécialement pour sa main sont rangés dans de beaux étuis. Sur des étagères, sont minutieusement rangées les grandes boîtes de paprika, de piments de Cayenne, de muscade et d’autres épices qui lui servent à créer les mille recettes dont il a le secret.
En fervent défenseur de la gastronomie tricolore, il veille comme un cerbère à la fabrication de produits à la française, comme le jambon à l’ancienne, qu’il masse à la main ou les saucisses maison, qui sont la signature du menu de DBGB, la brasserie du groupe. Tous les deux mois, le Bordelais se rend aussi dans les fermes du nord de l’État pour rencontrer les éleveurs et veiller à la qualité de vie des animaux. Une visite qui lui rappelle à chaque fois son enfance, où il était entouré de cochons, dans la campagne hambourgeoise.
Un article d’Anaïs Digonnet publié dans le journal Sud OUest du jeudi 03 juillet 2014.