Un plat goûteux et emblématique de Gipuzcoa et de Biscaye : la morue al pilpil.
Si vous voulez découvrir la morue al pilpil, le plat typique du pays basque espagnol, poussez la porte du Bistro du Picador, à Bordeaux (1). Aquitain depuis 31 ans, Juan Arazola, originaire d’Andalousie, prépare dans les règles de l’art cette recette à la portée de Madame et Monsieur tout le monde. La morue, poisson conservé dans le sel plusieurs semaines – qui n’a rien à voir avec le cabillaud, le même poisson, mais frais et salé rapidement pour donner le change (la morue fraîche) -, a le beau rôle avec l’ail, le piment et l’huile d’olive. La magie de la recette tient dans l’émulsion amenée par la gélatine de la morue au contact de l’huile. Réussir le pilpil (onomatopée qui désigne le grésillement de l’huile quand elle cuit) n’est pas compliqué, il suffit d’être méthodique et patient.
Suivez le guide!
Voici comment procède Juan Arazola. Il fait chauffer à feu doux l’huile d’olive vierge extra dans une poêle (25 cl pour 4 personnes) avec 5 petites gousses d’ail décortiquées. Quand l’ail est doré, il ajoute du piment d’Espelette sec qu’il réhydrate dans de l’eau (15 minutes) pour finir de parfumer l’huile. Il laisse un quart d’heure et retire l’ail et le piment qu’il réserve. Il dépose dans la poêle 5 pavés de morue (épaisseur 2 cm, les beaux morceaux, le dos et le filet) qu’il a préalablement essuyés. La morue va confire doucement (un bon quart d’heure) la peau au-dessus pour ne pas accrocher la poêle (l’huile ne doit pas dépasser les 100 degrés et la chair de la morue doit être moelleuse).
Quand la gélatine commence à suinter, vous retournez les pavés dans la poêle et vous les arrosez avec l’huile chaude. Quand la morue est confite vous la retirez et la réservez, vous arrêtez le feu et laissez refroidir l’huile. Vous retirez une partie de l’huile de la poêle en prenant soin de conserver les filaments de gélatine qui jouent le rôle de liant dans la réalisation de l’émulsion.
Il existe deux techniques pour obtenir l’émulsion, vous pouvez vous saisir de la poêle et la remuer (il faut répéter la gestuelle plusieurs fois) ou, solution plus calme et sûre, vous utilisez un petit fouet et agitez l’huile et la gélatine. L’émulsion prend progressivement, si vous voulez davantage de sauce vous ajoutez de l’huile. Quand le pilpil est à son apogée (la consistance d’une mayonnaise couleur vert pois cassé) vous remettez la poêle sur le feu pour le faire tiédir et vous déposez les pavés de morue que vous avez réservés.
La dégustation est édifiante : c’est gourmand et sensuel, l’échange entre le sel de la morue et l’onctuosité et le goût prégnant du pilpil, crée l’équilibre du plat et des saveurs. Pour renforcer le plaisir vous accompagnez chaque bouchée de morue d’un morceau de pain trempé dans le pilpil.
Un article de Jacques Ballarin publié dans le Mag Sud Ouest du samedi 24 mai 2014. Photo Guillaume Bonnaud.
(1) El Picador, 16, rue Rolland à Bordeaux. Tél. 05 56 01 01 83.