Le plus ancien restaurant de Bordeaux vient de s’offrir une cure de jouvence. C’est en effet à un jeune chef de 31 ans, Nicolas N’Guyen, que Sylvie Cazes, la propriétaire du Chapon Fin, a confié le 15 avril dernier les clés des fourneaux après le départ de Nicolas Frion.
La transition entre les deux Nicolas s’est faite en douceur. Le nouveau chef secondait l’ancien depuis deux ans après avoir passé sept ans dans la brigade de Michel Portos au Saint-James. Depuis quelques jours, la page Frion est bel et bien tournée puisque la carte du Chapon Fin est entièrement signée N’Guyen.
« King Crabe croustillant », « La tête de veau façon Escoffier », « Lotte de Bretagne sur son écume iodée », « Côte de veau de lait de M. Géraud », « L’orange dans tous ses états » ou « Le duo de cubes tout chocolat » figurent notamment parmi les savoureuses surprises de cette carte et témoignent de l’envie d’innover et de la maîtrise technique de Nicolas N’Guyen tout en respectant le cadre et l’histoire de l’établissement au célèbre décor de rocaille, conçu en 1902 par le fulgurant Cyprien Alfred-Duprat.
Sous la houlette désormais de la nouvelle directrice Brigitte Bugeaud, amie de longue date de Sylvie Cazes, qui va, dès cet été, proposer un salon d’une vingtaine de couverts pour des réceptions privées, le restaurant des Grands-Hommes n’a pas seulement rajeuni sa cuisine mais aussi sa cave. Pas les prestigieux millésimes qu’on y trouve bien sûr mais celui qui s’en occupe, Alexandre Morin, un jeune sommelier de 26 ans, passionné par son métier et qui s’est déjà formé à Londres et en Australie.
Sylvie Cazes vient de lui mettre entre les mains un objet révolutionnaire, pas encore distribué en Europe, le Coravin. À première vue, cet appareil semblerait plutôt servir à une ponction lombaire mais, bien au contraire, il ne procure que du plaisir aux amateurs de vin.
Nous avons sélectionné une trentaine de grands crus pour le Coravin mais cette sélection va être régulièrement renouvelée.
Inventé par un Américain, Greg Lambrecht, et popularisé par Robert Parker, le Coravin permet de prélever un ou plusieurs verres de vin dans une bouteille sans qu’il soit nécessaire de la déboucher. comme cela se pratique pour servir un vin au verre. L’aiguille de l’appareil traverse la capsule et le bouchon, le vin est aspiré et immédiatement remplacé par de l’argon, un gaz neutre qui permet d’éviter l’oxydation du vin resté dans le flacon.
« Grâce à l’argon, explique Alexandre Morin, le vin reste parfaitement consommable pendant plusieurs années. Il faut juste veiller à ranger les bouteilles penchées vers l’avant et vers le bouchon. » Avant que Le Chapon Fin propose le Coravin à ses clients, Alexandre Morin a dû s’entraîner car l’appareil exige un tour de main. « Pour l’instant, précise Sylvie Cazes, nous n’avons sélectionné qu’une trentaine de grands crus pour le Coravin mais cette sélection va être régulièrement renouvelée. »
Comme la cave du Chapon Fin compte environ 800 références, le Coravin a encore devant lui une belle liste de bouchons à percer.
Un article de Benoît Lasserre publié dans le journal Sud Ouest du lundi 26 mai 2014. Photo Laurent Theillet.