A Mont-de-Marsan (40), Denis Daubos propose un œuf de Pâques qui allie le cacao au sauternes du château Gravas à Barsac (33). Un subtil assemblage qui offre un chocolat plein de fraîcheur.
Spontanément, l’accord vin et chocolat n’a rien d’une évidence. Pourtant, une fois franchie la porte de Denis Daubos, chocolatier à Mont-de-Marsan, ce mariage entre le cacao et le raisin s’avère porteur de plus d’une promesse comme le prouve sa dernière création, conçue spécialement pour le week-end de Pâques : l’œuf vigneron. Une pièce entièrement faite à la main sur laquelle l’artisan a déposé une grappe de raisins en chocolat et au… sauternes. Des grains qui, saupoudrés de sucre roux, rappellent la couleur du botrytis, ce champignon qui fait tout le secret du plus célèbre des liquoreux. Des grains qui surtout renferment une subtile ganache de chocolat mélangée à quelques gouttes de ce vin aux reflets d’or. En l’occurrence du millésime 2011 du château Gravas. Un domaine d’une dizaine d’hectares ancré à Barsac, dans le sud Gironde, et voisin de deux grands noms du sauternais, les châteaux Climens et Coutet, tous deux premiers grands crus classé en 1855.
Des terroirs et une géographie que Denis Daubos connaît sur le bout des doigts. « Je vis dans les Landes, mais je suis originaire de Barsac où mes parents étaient pâtissiers à côté de l’église. C’est là que j’ai grandi. » On le devine déjà, ses racines ne sont pas étrangères à cet œuf de Pâques. « Il y a quatre ans, raconte-t-il, avec les copains et copines de l’école communale, on a décidé de fêter nos 50 ans tous ensemble à Barsac. » Un anniversaire où il a retrouvé son amie d’enfance, Florence Bernard, qui, avec son mari Michel, a racheté ici il y a dix ans une propriété viticole. On vous le donne en mille : le château Gravas. « On s’est dit que ce serait bien de faire quelque chose ensemble », glisse Denis Daubos.
Un vrai travail d’assemblage comme pour le vin
Après quelques mois d’essais et de savants dosages, le chocolatier a fini par trouver le bon équilibre. « Travailler le sauternes, n’est pas évident, confie-t-il, mais j’aime bien me triturer les méninges. » La clé est venue d’une préparation millimétrée : « Je fais d’abord réduire une partie du vin, pour concentrer le fruit et les arômes. Puis, je mélange cette réduction à un peu de sauternes pris directement dans la bouteille pour amener de la vivacité. Pour la ganache, je n’utilise pas de crème fraîche. Je cherche à ce que le chocolat ne soit pas trop gras, ni trop sucré. » Une recette qui a convaincu Florence : « J’adore, sourit-elle. Le défi était de bien ressentir les arômes du chocolat et ceux du sauternes. Il y a eu un vrai travail d’assemblage comme pour le vin. »
Il y a une vingtaine d’années, Denis Daubos a signé une série de chocolats au Lillet
En bouche, ce mélange offre immédiatement une sensation de fraîcheur. Les plus avertis retrouveront quelques notes de fruit de la passion, d’orange confites, de poire. Des expressions qui signent les vins du château de Gravas. Et que l’on pourra goûter également le 31 mai à Sauternes, lors de la fête des vins de l’appellation, à laquelle Denis Daubos participera.
Chocolatier depuis plus de trente ans, ce petit-fils de boulanger n’en n’est pas à sa première expérience en la matière. Il y a une vingtaine d’années, il a signé une série de chocolat au Lillet. Plus récemment, cet amateur de vins de Saint-Emilion, s’est amusé à marier vin rouge et chocolat. « Avec un cépage merlot, qui offre des arômes de fruits rouges, ça fonctionne très bien. »
Dans le métier, l’un de ses amis n’est autre Pierre Hermé, l’un des plus célèbres pâtissiers français, connu entre autres pour ses macarons. Tous les deux se sont rencontrés sous les drapeaux : « Il a pris ma suite comme pâtissier au ministère de la Défense. » Appelé du contingent entre 1980 et 1981, il a vécu, depuis les cuisines de la République, l’arrivée de François Mitterrand à l’Elysée et le changement de gouvernement qui a suivi. Pour l’anecdote, le soldat Daubos a même connu, en douze mois, trois ministres de la défense : Joël Le Theule, le mentor politique d’un certain… François Fillon, décédé brutalement en décembre 1980. Puis, pendant cinq mois Robert Galley et enfin Charles Hernu, nommé par le nouveau Premier ministre socialiste, Pierre Mauroy.
Par la suite, il travaillera deux ans avec Pierre Hermé avant de prendre le chemin des Landes. « Aujourd’hui, on se retrouve sur les salons du chocolat à Paris », glisse-t-il. Paris, où il compte parmi ses clients le restaurant Goumard, rue Duphot, dans le 1er arrondissement. Une des plus anciennes tables de fruits de mer de la capitale pour qui il signe un chocolat marin à base de praliné, d’algues, de fleur de sel et de citron. Une autre histoire.
Un article de Jefferson Desport, photographies de Nicolas Le lièvre, paru dans Le Mag Sud Ouest le samedi 12 avril 2014.