Dans le monde des burgers aussi, les règles sont faites pour être enfreintes. Et si le lard croustillant damait le pion au bacon, si le cheddar s’effaçait devant un pur-brebis, le bœuf devant un palmipède?
Devenu paradoxalement la tarte à la crème de chacune ou presque des brasseries à la française, le hamburger n’en exige pas moins quelques codes pour tenir la route. Entre les plaines du far-west et celles du Sud-Ouest, déclarons pourtant ici la guéguerre de sécession avec la maison mère. Chef étoilé désormais aux fourneaux de la Guérinière à Gujan-Mestras (33), Christophe Girardot signera dans les prochains jours le premier hamburger de chef d’une série imaginée pour le compte de l’enseigne bordelaise « French Burger ». Parmi d’autres idées régionalisantes, customisons avec lui le sandwich de l’Oncle Sam à la sauce Sud-Ouest d’un tonton Gascon.
Le pain
Par certains considéré à tort comme élément subalterne dans la hiérarchie du burger, le pain se résume hélas souvent à une infâme biscotte, quand il ne s’agit pas à l’inverse d’une éponge aussi spongieuse qu’industrielle. Nombreux seront pourtant les boulangers à vous pétrir des « buns » sur commande. Fait-maison, la chose n’est guère plus compliquée à personnaliser. « De la farine de maïs, un peu de piment d’Espelette, ou quelque lanière de piquillos doux. »
La viande de bœuf…
A travers les petites routes du Langonnais, le camion du « Burger du coin » ne conçoit ses steaks que hachés dans le gras du bœuf de Bazas. La Blonde d’Aquitaine est l’autre alternative régionale proposée par le chef Girardot. « Des aiguillettes de rumsteck hachées minute, fibres courtes, goûteuses à la mâche, que je mélange avec un peu de lard de Colonnata très parfumé ». Contrairement à une leçon aussi politiquement que gastronomiquement incorrecte, le gras est indispensable à l’onctuosité goûteuse de la viande, sauf à préférer avoir du plâtre en bouche.
… Ou de canard
Quoiqu’un brin plus difficile à maîtriser, le magret peut lui aussi se transformer en steak haché. Les natifs ou nostalgiques de Bigorre oseront le lomo de porc noir. Au bacon de l’insipide Albion, Christophe Girardot préfère de son côté une tranche de lard croustillant (maison Ospital) posée à même ses 180 grammes de bœuf.
Le fromage
Du pur-brebis des Pyrénées, forcément. Tranché très fin et peu affiné. Rappelons que trop de mélanges tuent le mélange des saveurs. Ne serait-ce qu’afin d’éviter de vous ruiner les godasses, prenez donc garde à ne pas empiler la couche de trop. Votre burger n’est pas un millefeuille.
La sauce et caetera
En saison, un ketchup compoté avec un mélange de tomates de Marmande, rehaussé d’un trait de vinaigre de Pineau charentais, d’anis étoilé et de cannelle. A l’automne, une crème de cèpes un peu épaisse. Le petit plus du chef : jouer sur l’opposition du double oignon. « Rouge fondu au beurre, et un autre frit. »
Frites et Coca ?
Christophe Girardot a la frite… géante ! « Des pommes de terre cuite à la vapeur, que l’on écrase pour former dans un moule une frite « XXL ». A sécher au four avant de découper et de frire. Servie avec quelques jeunes pousses de moutarde ou bien des chips de légumes. Plutôt qu’une paille dans un verre de soda, on choisira de tremper ses lèvres dans un verre de Graves rouge.
Un article de Sylvain Cottin publié dans Le Mag Sud Ouest du samedi 29 mars 2014.