Le marché halal est en hausse de 10%, surtout à l’export. La société Aquitaine spécialités, à Saint-Loubès (33), s’y intéresse en adaptant la recette du canelé bordelais.
A l’œil, rien ne le distingue du traditionnel canelé bordelais à la douce couleur oscillant entre le jaune et le brun. Comme lui, il existe en trois tailles et en trois poids de 17 à 60 grammes. Pourtant, ce craquant dessert qui sort des lignes de production de la société Aquitaine spécialités à Saint-Loubès n’est pas un canelé comme les autres. Sa recette a dû être adaptée pour répondre aux exigences de la clientèle à laquelle il est destiné. Ce nouveau canelé est certifié halal.
Aquitaine spécialités produit près de 3 millions de canelés par an, vendus en frais dans des barquettes ou en surgelé, sous sa marque ou sous des marques de distributeur. L’entreprise emploie une cinquantaine de salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 5 millions d’euros.
Le marché des produits halal augmente de 10 % par an
Si le canelé traditionnel est son unique production, le petit gâteau se prête à des diversifications. «Nous ne voulions pas faire de canelés aux fruits, dit Michaela Roze, directrice du développement commercial, nous avons préféré, dans un premier temps développer un canelé bio.»
Il y a deux ans, la société a repéré un autre marché porteur : celui de la clientèle musulmane. «Il est peu connu des entreprises de la région», constate la CCI International Aquitaine, à l’initiative d’une journée d’information sur ce débouché. Le marché des produits halal augmente de 10 % par an et est estimé entre 450 et 500 milliards d’euros, dont 50 milliards en Europe et 5,5 milliards en France. « Il y a 60 millions de musulmans en Europe, ils sont plus nombreux en Allemagne qu’à Dubaï », insiste Bruno Bernard, consultant à la BECI, la CCI de Bruxelles, et créateur de la certification officielle halal européenne. La France a pris du retard sur ce marché à la différence de l’Allemagne, de la Suède ou de la Belgique. Philippe Hernu, à la CCI International Aquitaine, constate des réticences sociales. « En 2013, on avait voulu faire une réunion d’information sur les produits halal et on l’avait annulée faute de réponses positives. »
Interdit par l’islam, le rhum a été remplacé par du miel
« Il y a des exemples où des consommateurs ont boycotté des produits de sociétés parce qu’elles faisaient du halal, déplore Bruno Bernard, il faut expliquer que vous faites du halal pour l’export, pour la balance commerciale de la France. »
Aquitaine spécialités a fait appel à ce consultant pour créer et faire certifier ses canelés halal. La recette initiale a dû être modifiée. Interdit par l’islam, le rhum a été remplacé par du miel. « Nous avons travaillé sur l’homogénéisation de la pâte, son temps de repos, car le miel change la viscosité », explique Michaela Roze. Résultat : la texture finale est identique mais « le goût est plus délicat ».
À Saint-Loubès, la production des canelés traditionnels, bio et halal a été nettement séparée. Pour l’instant, le bio et l’halal ne représentent que 10 % des fabrications. « Le canelé halal est un dessert haut de gamme et de niche », concède Michaela Roze. Il est exporté vers la Belgique et l’Afrique du Nord.
« Mais il coûte moins cher à produire et la marge est supérieure », note Bruno Bernard. Et ce dernier insiste sur la demande forte de produits halal comme les cosmétiques ou, de la part de compagnies aériennes du Proche Orient, de vins.
Un article de Michel Monteil publié dans le journal Sud Ouest le 19 mars 2014.