En Gironde, Bazas fête le « Boeuf gras » à compter d’aujourd’hui. Charcutier et boucher, Didier Laffargue sublime cette viande d’exception que l’on ne trouve qu’un mois par an.
Ne dites pas à Didier Laffargue qu’il est tombé dans une marmite de bœuf gras quand il était tout petit. Ne le lui dites pas, tout simplement parce que ce n’est pas vrai ! En revanche, quand il entend « bœuf gras » son regard s’anime et le voilà en plein flash-back. On le retrouve derrière la vitrine de son patron charcutier, rue Fondespan, à Bazas. Il assiste, émerveillé, au défilé des bœufs gras à la robe grise, aux yeux maquillés de blanc, arborant fièrement des couronnes de fleurs entre les cornes… Le gamin est fasciné. « C’était moins médiatisé qu’aujourd’hui. Mais il y avait peut-être plus de relationnel entre les bouchers et les éleveurs. Les bœufs gras défilaient le matin et les bouchers mangeaient avec les éleveurs. Ça se faisait en petit comité. Déjà il y avait le concours de race, de conformité, de qualité bouchère… À l’époque, les anciens étaient plus nombreux. C’est normal, il y avait plus de fermes que maintenant. Le défilé restait un moment extraordinaire. Voir autant de bœufs défiler en ville… »
Le gamin est séduit, même si sa passion à lui, c’est la marmite. « Je voulais être cuisinier, et puis j’ai finalement passé un CAP de charcutier ainsi qu’un brevet de maîtrise. Ça se rapproche… »
Je prends cinq bœufs gras chaque année. Ils doivent être bien couverts, c’est-à-dire qu’ils aient une belle couverture de gras.
Les carcasses de cochon passent entre ses mains pour être transformées. Il se taille une belle réputation et, en 1990, prend la suite de son patron. Treize ans plus tard, il rachète l’activité de la boucherie de Christian Beziade, installée cours du Général-de-Gaulle, à Bazas. « J’avais envie de travailler de la viande de qualité. Bien sûr, les carcasses de bœuf sont plus grosses que celles des porcs. Mais la découpe s’y apparente un peu. Il y a des morceaux semblables, même si les appellations sont différentes. Déjà on travaillait avec le lycée agricole pour le bœuf gras. Ça s’est très bien passé tout de suite. »
Les bœufs destinés à devenir des bœufs gras sont élevés au lycée pendant trois ans et demi. À la fin de l’été précédant la fête, les bœufs, qui ont vécu dans des champs, sont installés dans des étables ou en stabulation comme au lycée agricole. Là, ils sont priés d’engraisser le mieux et le plus possible.
« Je prends cinq bœufs gras chaque année. Ils doivent être bien couverts, c’est-à-dire qu’ils aient une belle couverture de gras. Les deux plus beaux sont destinés à défiler dans les rues. Deux autres sont abattus deux semaines avant la fête. Les carcasses vont passer quinze jours à mûrir à l’abattoir. On fait cela pour gérer la viande et en avoir toujours pour satisfaire la clientèle. » La « saison » du bœuf gras dure un mois. Pas plus. Plus la viande est persillée, c’est-à-dire striée de graisse, meilleure elle est.
Cette année, Didier Laffargue est allé voir « ses » bœufs gras trois fois. « En septembre. Une autre fois en novembre, pour voir comment ils évoluaient. Et il y a trois semaines. Ces bœufs sont pesés très régulièrement. Ce sont des animaux exceptionnels… »
Des animaux qui donnent une viande « vraiment au-dessus du lot. Quand on travaille le bœuf gras, on ne gaspille pas… » Une viande dont il va valoriser tous les morceaux, y compris les moins prestigieux. « Tout le monde est fan d’aloyau. Mais, moi, ce n’est pas ce que je préfère dans le bœuf gras. Bien au contraire… »
Un article de Catherine Dowmont publié dans le journal Sud Ouest le 20 février 2014.