Le petit monde de la gastronomie girondine est en ébullition. Entre valse de chefs, annonces fracassantes et ballet de rumeurs, la chorégraphie que compte proposer le Grand Hôtel de Bordeaux est majeure. Il n’est plus ici question de jouer à la dînette avec cloches en argent et rideaux de taffetas en décor. Le défi est lancé. Il n’y aura que deux endroits en ville pour briguer le firmament de la gourmandise : La Grande Maison, rue de Tivoli, avec la star Joël Robuchon, et le Grand Hôtel, place de la Comédie, avec non pas un mais deux chefs aux commandes. Qui dit mieux ?
Le premier à entrer en scène est Stéphane Carrade, intronisé hier (6 février 2014) chef des cuisines, avec pour mission de faire de la brasserie « Le Bordeaux » une adresse emblématique, d’accroître la qualité des banquets, celle du room-service et du teatime à l’Orangerie. « Il nous fallait un visage au Bordeaux et il lui fallait aussi un accent », argumente Yan Vacher, directeur général. En ce sens, le choix porté sur Stéphane Carrade est cohérent.
Désormais, je travaille une cuisine de terroir vagabond
Au début de sa carrière béarnaise, Chez Ruffet à Jurançon, restaurant qu’il hissa au niveau des deux étoiles du guide Michelin, il aimait revendiquer « une cuisine de terroir progressive ». Depuis, son parcours l’a conduit à La Guérinière à Gujan-Mestras (une étoile) où il a développé son goût très sûr dans la cuisine des embruns. « Mais j’ai aussi eu la chance de voyager, de découvrir d’autres cultures. Je dirais donc désormais que je travaille une cuisine de terroir vagabond ».
À la carte de la brasserie, que les Bordelais pourront découvrir à partir du 10 février, on comprendra aisément son propos. Il marie avec succès les chipirons, un voile de jambon de Bellota et des pousses de soja. Il pose un œuf coque sans coquille sur une Jimboura de boudin (velouté très girondin !), l’agrémente de mouillettes de truffe et d’un nuage de céleri-rave et de pommes. En dessert, il « faudra » craquer pour la religieuse mentholée After-Eight ou la tarte au citron calfeutrée dans un cocon tout blanc et surprenant.
Stéphane Carrade a pris possession des lieux il y a à peine trois semaines et dit se sentir « très bien » dans ces murs chargés d’histoire où l’exigence est « haute couture ». Pour autant, chef talentueux récompensé à plusieurs reprises par le livre rouge, la place qu’il occupera ne sera pas la plus exposée ni la plus médiatique. La direction du Grand Hôtel cherche en effet depuis plusieurs mois une « tête d’affiche » pour sa table gastronomique « Le Pressoir d’argent ».
« La clientèle de l’hôtel est à 70 % internationale et nous voulons un nom qui résonne à l’étranger », explique Yan Vacher. Le directeur reconnaît qu’il a rencontré plusieurs chefs mais que, pour l’heure, il n’a signé avec aucun. Les négociations pourraient aboutir avec l’arrivée du printemps. Un temps qui permettra à Stéphane Carrade, premier arrivé, de faire connaissance avec les Bordelais.
Article de Marie-Luce Ribot. Photos et vidéo Laurent Theillet.