Le chef du Patio, à Arcachon, est un battant. Il est maintenant chez lui et, plus libre dans sa tête, il interprète une cuisine résolument hardie et inventive.
« Je voulais être cuisinier, point ». Originaire d’Ancenis, dans la Loire-Atlantique, Thierry Renou, qui avait une mère cordon bleu, a vite trouvé sa voie. Après avoir fréquenté le lycée hôtelier de Chateaubriant, dans le même département, il est passé aux travaux pratiques et a forgé sa personnalité au contact de deux chefs à qui il rend hommage, Gérard Vié, à Versailles (« il m’a inculqué la rigueur et la précision et savait trouver les mots justes pour avancer»), et Denis Lecadre, à la Ferme Saint Siméon, à Honfleur (« il avait la force, l’énergie, on tapait dans le dur, cela me convenait, je suis un battant, je ne lâche rien »). De fait, c’est là le trait de caractère principal de Thierry qui surmonta avec courage la disparition de Véronique, sa femme, en 2002, alors qu’il officiait à la Guériniére, à Gujan-Mestras, où il décrocha une étoile dans le guide Michelin en 2004.
Pourquoi est-il venu sur le bassin d’Arcachon ? « Le hasard, Patrick Malvaés, le propriétaire de la Guériniére, m’a contacté à un moment où j’aspirais à être chef à part entière et, même si je ne la vois pas, j’ai besoin de savoir que la mer est à côté ». Quand on a du tempérament et qu’on ne craint pas « les bagarres de la vie », l’ambition, un jour, est de s’installer, de voler de ses propres ailes, de se réaliser pleinement.
« Je n’ai jamais été freiné chez les autres mais, depuis que je suis chez moi, je me sens plus libre dans ma tête », confie le chef du Patio qui reconnaît que son choix d’indépendance « était gonflé ». Car, la maison que Thierry Renou reprend, en 2007, boulevard de la Plage, à Arcachon, doit être totalement rénovée ; la cuisine, aussi séduisante soit-elle, ne suffira pas à ramener l’étoile. « J’ai cassé tous les comptes, je me suis mis à sec, je suis devenu chef d’entreprise », raconte-t-il. Ajoutant : « Les deux premières années je n’étais pas prêt, le Michelin a tardé à me reconnaître, il a attendu de voir si j’allais m’inscrire dans la durée ».
La consécration est arrivée dans la livraison du guide 2012, l’effet a été immédiat, une progression de la fréquentation du restaurant de plus de 25%. Le statut d’étoilé impose des devoirs supplémentaires, Thierry a investi dans le mobilier –le renouvellement des chaises- et a recruté un directeur de salle aguerri, Sébastien Druaux, et un sommelier jeune et aux idées larges, Julien. Parallèlement la carte des vins -5 références en 2007 !- a été multipliée par dix -150 références-.
Surtout, le plus spectaculaire, est la manière avec laquelle le chef du Patio a –le mot n’est pas exagéré- a réinventé sa cuisine. « Je suis plus créatif et plus inventif et la clientèle adhère », commente celui qui fit de la marinière d’huître au safran et au sauternes le plat phare de la Guériniére, à Gujan-Mestras. Il était difficile de le rayer de la carte –il figure au menu à 30 euros- et la recette est intacte : l’huître est pochée dans son jus qui entre dans la composition de l’émulsion safran et sauternes et lait entier avec laquelle elle est servie. Une jolie alliance gustative en bouche.
L’innovation réside dans l’inspiration de Thierry qui est allé encore plus loin dans l’approche de l’huître : il a choisi le gros calibre, celui qu’il appelle « numéro 0 », arcachonnais ou breton, qu’il ouvre et pane dans le punko (chapelure japonaise) et sert avec une brioche trempée dans un mélange d’œuf et de jus d’huître et poêlée pour la rendre croustillante ; sur la brioche il dépose une duxelle de champignons et met dessus l’huître panée qu’il poêle pour avoir du croustillant. Et ce n’est pas fini, clin d’œil à la tradition, il accompagne « son » hamburger d’huître d’un sorbet au balsamique pour rappeler le vinaigre et d’une émulsion de yusu pour rappeler le citron. Osé mais nullement loufoque.
« J’aime jouer avec le terroir local et le fun asiatique », confesse Thierry Renou qui a imaginé une recette inédite avec le bar de ligne rôti simplement (juste un aller-retour) avec une touche de fleur de sel et accompagné d’un tube citronné (un cylindre) dans lequel il glisse un concassé de sardines et de langoustines avec combawa (pour la fraîcheur et le côté citronné) et émulsion de lait d’amande. Il sert à côté un cromesquis de betterave pointe de wasabi (pour le côté moutardé) pané dans une chapelure à l’encre de seiche. Osé ici aussi mais bien vu car relevant –comme pour l’huître- d’une recherche patiente pour les bonnes associations et les bons équilibres. Cette cuisine hardie cohabite avec des interprétations plus sages, le velouté de homard galanga émulsion pomme de terre et truffe est une petite merveille –la pureté des goûts bien distincts- ; les noix de Saint-Jacques rôties, délicates et tendres en bouche, servies avec une purée d’artichaut et un bonbon ficelé à la pomme de terre et à la truffe sont une autre petite merveille.
C’est la signature de Thierry Renou, en dépit se son gros caractère il ne passe jamais en force, il est dans la retenue, dans la douceur, dans la finesse. Prenez le pied de cochon, il le désosse, le reconstitue et le taille en carré comme un steak qu’il sépare en 2 pour le farcir légèrement de volaille et de truffe. La rusticité du plat est là mais elle est détournée, amadouée, pour apporter du statut au pied de cochon, pour l’élever au rang de la gastronomie. Une mousseline de panais accompagne idéalement. Et quand il ose « un peu de délire » (expression qui l’amuse) Thierry évite la divagation, c’est ludique et gentiment régressif, ça tape dans le mille le dessert gourmand et coloré à la fraise, qui retrouve l’esprit de la fête foraine avec la barbe à papa et la glace tagada.
Article de Jacques Ballarin publié dans Sud Ouest Gourmand. Reportage photo de Franck Perrogon.
2 Commentaires sur "En cuisine avec Thierry Renou à Arcachon : le caractère et l’audace"
ce n’est que du bonheur quand nous allons au Patio
A CHAQUE FOIS LE MEME PLAISIR, TOUJOURS UNE DECOUVERTE, LA FETE DES PAPILLES