Olivier Nicolau veut 1 étoile, économiquement indispensable, à Lescar, dans l’agglomération paloise (64).
« On peut vivre sans mais on vit mieux avec ». Le mot est d’Alain Ducasse. Olivier Nicolau approuve, convaincu qu’il lui faudra l’onction du guide Michelin pour gagner du temps et travailler sereinement. Direct, franc du collier, le chef et propriétaire du restaurant Arraditz – traduisez « les racines »-, 34 ans, à Lescar (Béarn), rejoignit les fourneaux plus pour imiter son frère, Laurent, cuisinier en Australie, que pour inaugurer un plan de carrière. Sauf que l’enseignement concret reçu au lycée hôtelier de Biarritz le stimula, que le courant passa dans les maisons où il débuta au pays basque (Bakea à Biriatou et les frères Ibarboure à Bidart) et, qu’ensuite, au contact de Stéphane Carrade et de Thierry Marx (2 étoiles chacun), il vibra pour ce métier alors moins assimilé à un gagne-pain.
Une cuisine du terroir modernisée
Olivier craignit de ne pas être au niveau quand Yannick Delpech (2 étoiles à Colomiers, près de Toulouse) lui proposa de devenir son second ; l’expérience, malgré les efforts de son mentor pour le garder, aura duré seulement 5 ans car le Béarnais voulait rentrer au pays et être chez lui. Avec Karine, sa femme, titulaire d’une mention complémentaire en pâtisserie – elle participe à la mise en place et veille sur la salle -, ils ont métamorphosé un lieu en perte de vitesse dans le cœur de Lescar (agglomération paloise) qui attendait énergie et talent. Après des frais de rénovation et d’embellissement (le mobilier et les arts de la table) de 285 000€, l’urgence est aujourd’hui, 6 mois après l’ouverture, de décoller et de devenir une adresse de référence. L’obtention d’une étoile serait une aubaine d’autant que le Béarn est le parent pauvre du Michelin (rien à Pau, l’unique macaron brille à Bosdarros).
L’inattendu n’est jamais convoqué pour l’effet mais pour créer une ambiance gustative sensée
Olivier Nicolau se définit comme un artisan, pas comme un artiste. La médiatisation et la starification des chefs l’agacent. Sa cuisine, sincère, relève de l’instinct, du respect du produit, du terroir modernisé. Le goût et les saveurs dirigent, Olivier sait jusqu’où il peut aller dans les accords ; l’inattendu – un bouillon, un jus, une crème, une huile – n’est jamais convoqué pour l’effet mais pour créer une ambiance gustative sensée.
Ainsi du foie gras de canard servi chaud dans un bouillon de crustacés avec chou fleur, crevettes grises et feuilles d’huître, des asperges vertes cuisinées comme un œuf cocotte avec crème de foie gras, magret mariné et parfum de citron jaune, des cuisses de pigeonneau braisées au jus de betterave, de l’huile de pistache qui accompagne le greuil de brebis (le petit lait réchauffé après l’extraction du fromage), ou encore des olives et du basilic qui flirtent avec la salade de fraises et le sorbet fraise et chèvre frais. C’est précis et convaincant, la chanson tombe juste, la cuisine interprétée à Lescar est une cuisine d’auteur.
Le menu dégustation (65 €) est composé de 2 entrées, 1 poisson, 1 viande, 1 dessert. Il existe deux autres menus gastronomiques (50 € entrée, poisson, viande, dessert, 35 €, entrée poisson ou viande et dessert) et 1 menu moins onéreux (24 €) servi uniquement le midi. La carte des vins privilégie la région, Hours, Ramonteu, Grussaute, Larrieu, les meilleurs ambassadeurs du jurançon y figurent. Pour le rouge, on mentionnera le domaine de la Caillabère « Confidence 2010 » de Jean-Marc Larroudet (44 €) AOC Béarn, un vin racé.
Un article de Jacques Ballarin publié dans Sud Ouest le Mag le samedi 09 mai 2015. Photo David le Déodic.