Jacques Le Nay Caruelle éclaire et régale les clients lève-tôt le samedi et le dimanche en fabriquant devant eux.
Cela se mérite. Traduisez qu’il faut pousser la porte de la pâtisserie Mandion, boulevard du BAB, à Anglet (1), avant 10 heures et demie, le samedi et le dimanche. Les lève-tôt ne sont pas si nombreux mais, le bouche à oreille aidant, l’audience de Jacques Le Nay Caruelle progresse. Le pâtissier, marié à Céline Mandion, la fille d’André Mandion, disparu en 2011, ne veut pas crever le plafond, animé qu’il est par le souci de montrer, de mettre à portée et de se rendre utile, à l’abri de l’agitation, dans l’intimité avenante de l’atelier qu’il a créé à l’intérieur même de la boutique. De quoi s’agit-il ? Ni d’un cours magistral ni d’une leçon appliquée, encore moins d’une démonstration ou d’une performance, juste d’un moment de partage et d’échange sous-tendu par les gestes et les valeurs d’un métier qui, ici, est encore artisanal.
Un gâteau ne se résume pas à une prouesse technique pas plus qu’à une création dédiée à la contemplation
« Je fais de la pâtisserie fraîche traditionnelle à la minute », explique Jacques Le Nay Caruelle qui, pour le millefeuille, l’éclair, le paris-brest, la religieuse, le chou à la crème, répudie le congelé. « Ces gâteaux doivent être vendus et consommés dans la journée », prévient le pâtissier pointilleux pour qui, il y va, « de la qualité de la dégustation ». Donc les fabrications sont quotidiennes et les quantités limitées. Il est préférable de manquer et de dire pourquoi.
Le plus compliqué est de conjuguer le beau et le bon, les séances du samedi matin et du dimanche matin sont prétexte à pointer la difficulté : un gâteau ne se résume pas à une prouesse technique pas plus qu’à une création dédiée à la contemplation, il doit donner envie, déclencher l’appétence, le goût est plus important que le visuel ou la texture, il dirige, il est l’éclat en bouche. C’est le langage du professionnel et de l’artisan qui, pour atteindre l’excellence, recherche le meilleur produit et qui, parce qu’il a appris, détient le savoir-faire et le tour de main.
Ainsi, Jacques Le Nay Caruelle, pendant son travail en « live », marque brièvement une pause, légitime un choix, signale une astuce, délivre un conseil.
Pourquoi le beurre de baratte frais d’Echiré a sa préférence ? La baratte est un tonneau en bois, matière noble et naturelle, et, dans le processus très progressif et très lent de la transformation de la crème en beurre, le bois donne une texture souple et fondante.
Pourquoi l’emploi du fromage blanc d’Isigny dans le Schuss, la pâtisserie indétrônable de la maison (une mousse vanillée et framboises fraîches sur fond de pâte sablée) ? « Pour avoir de l’onctuosité ».
Pourquoi ne pas coller avec la gélatine ? « Parce que c’est moins bien pour l’équilibre ».
Comme il n’a rien à cacher, le pâtissier donne ses recettes
Rien de plus facile, semble-t-il, que la confection de la pâte à chou : 50% de lait, 50% d’eau, du sel, du beurre, de la farine, des œufs, on porte à ébullition, on verse dans la farine, on rajoute les œufs. Sauf que pour avoir un mélange lisse et homogène le tour de main est de… remuer le moins possible et que, pour avoir un chou qui gonfle, il faut une farine pauvre en gluten (le gluten, en effet, empêche le chou de gonfler). Pourquoi est-il indispensable d’ajouter 50% de mascarpone dans la crème fleurette si on veut obtenir une chantilly savoureuse? Parce qu’il donne de la densité et de la tenue, que la crème fleurette seule n’est pas suffisante, c’est trop léger, et, quand la chantilly est parfumée, le mascarpone apporte de la longueur en bouche.
Jacques Le Nay Caruelle varie les interventions, montre comment on garnit un éclair, comment on réalise la crème pâtissière au chocolat, au café, à la vanille, fait cuire et fait goûter et, comme il n’a rien à cacher, donne ses recettes. « C’est comme à la maison, ils me voient fabriquer des choses simples, le montage des gâteaux. Les gens sont curieux et motivés et désirent souvent aller plus loin, c’est pourquoi je propose des cours pour ceux qui ont vraiment envie de faire de la pâtisserie », confie le pâtissier d’Anglet qui n’imaginait pas susciter des vocations, fussent-elles domestiques.
Le public se partage en deux tendances, la première, épicurienne et gourmande, est incarnée par Christiane qui s’extasie devant le chou à la crème fondant en bouche, la seconde, tournée vers la connaissance et la pratique, est incarnée par Florent, qui se définit comme « goûteur professionnel » et veut, en même temps, être capable de reproduire.
Un article de Jacques Ballarin publié dans Sud Ouest le Mag le samedi 28 février 2015. Photos Bertrand Lapègue.
Pâtisserie Mandion, boulevard du BAB, Centre Urbegi, 4, rue Jean Mouton 64600 Anglet 05 59 64 86 68
Un commentaire sur "A Anglet, le pâtissier ouvre son atelier aux lève-tôt"
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